
Le jour où Louisa et moi avons découvert ce club de vacances, notre vie a changé du tout au tout. Depuis plusieurs mois, les actions masculinistes se faisaient de plus en plus nombreuses et violentes. Des femmes adultères étaient humiliées, frappées et violées sur la place publique, faisant passer cela pour des séances sadomasochistes consenties alors qu’il n’en était rien. Le retour en arrière a été brutal, lorsque nous avons toutes remarqué que les nouvelles autorités laissaient faire. C’était (de nouveau) à la victime de prouver qu’elle n’était pas consentante.
Mais Louisa et moi vivons dans un milieu un peu favorisé et nous n’avons pas remarqué tout de suite l’ampleur du phénomène. Ce qui devenait insidieusement le quotidien de centaines de femmes n’était encore pour nous qu’un vague et lointain danger. Mais il faut bien avouer que tout cela n’est pas arrivé du jour au lendemain. Depuis plusieurs années, Louisa et moi avions pris l’habitude de partir juste toutes les deux en vacances, pour se retrouver. Nous avions toutes les deux une vie bien active et n’avions pas tant l’occasion de passer des moments, des heures à papoter comme nous aimions le faire depuis notre adolescence, à notre rencontre au lycée.
Force était de constater que deux femmes qui partaient ensemble en vacances étaient : soit des lesbiennes (et le lot de regards noirs et d’insultes qui accompagnait cette impression), soit des célibataires à draguer lourdement sans aucune subtilité (vu que, passée la trentaine, nous devions être désespérées, pressées de trouver un mâle pour pouvoir procréer), ou carrément des salopes en chaleur (qui se promenaient en bikini sur la plage dans l’espoir de faire dresser une ou plusieurs queues à faire gicler dans et sur nous). Bref, une année, ça s’est carrément mal terminé. Nous avions loué une seule chambre et quand bien même nous avions deux lits séparés, nous n’avions pas pu faire taire les ragots (ou fantasmes, plutôt) selon lesquelles nous étions deux femmes adultères qui venaient devant leurs yeux prudes afficher leur relation immonde.
À ce stade, je dois vous dire que nous n’avions encore jamais couché ensemble. Au pire, de nombreuses années auparavant, nous étions-nous masturbées ensemble en regardant des vidéos porno. Il n’y avait jamais eu de quiproquo, même, et nous étions simplement des amies, deux âmes sœurs, même, qui voulions profiter de chaque instant passé ensemble, puisque la vie faisait que ces moments-là se raréfiaient et nous manquaient terriblement. Nous avions été sommées de quitter l’hôtel avant la fin de notre séjour. Nos maris, outrés par de tels comportements, ont bien essayé de nous pousser à porter plainte, et ils auraient failli réussir, si je n’avais pas trouvé cette publicité.
Parce qu’il faut bien l’avouer. Je n’avais aucune envie de me lancer dans une procédure si longue alors que je manquais déjà de temps. Le seul avantage que j’y voyais, c’était de voir Louisa plus souvent. Le papier que je lui tendis sous le nez finit par la ravir au plus haut point. Le premier club de vacances « pour femmes ». Je m’étais renseignée sur ce que c’était, d’abord outrée (comme l’avait été Louisa lorsque je lui ai montré le dépliant), ne voulant pas croire qu’une telle chose existait : un club de vacances uniquement pour femmes, dans le but de s’assurer que « votre femme passe du bon temps en toute sécurité ». Ce qui passait aux yeux des masculinistes imbéciles comme un endroit où ils pouvaient parquer leurs femmes le temps de respirer un peu et prendre du bon temps entre couilles vides sans avoir à se demander si leur salope de gonzesse n’était pas avec le voisin ou avec leur patron en train d’écarter les jambes, n’était en fait qu’un club féministe, réservé aux femmes qui en avaient assez de devoir faire attention à la façon dont elles s’habillaient, aux mots qui sortaient de leur bouche et à quel moment…
Ce qui m’avait mis la puce à l’oreille, c’était le fait que les réservations ne se faisaient que par téléphone ou par visio. Pas de réservation en deux minutes sur internet. Car l’entreprise disait vouloir s’assurer que chaque vacancière adhère pleinement aux idéologies en vogue dans le pays, sous-entendu, elles (car l’équipe de l’entreprise n’était constituée que de femmes uniquement, vous comprenez, pour ne pas que l’on puisse penser qu’un homme était en train de se former un harem) voulaient s’assurer que les hommes qui déposaient leur femme dans cet endroit pourraient être certains qu’elle serait en sécurité, autant physiquement que mentalement.
J’avais appelé avant même d’en parler à Louisa. J’avoue avoir été bluffée, parce que les questions posées étaient pour une part outrageantes (à mes yeux, rassurantes pour un connard). Nous avions le droit à des questions sur les relations hommes-femmes, les relations homosexuelles, sur nos activités au sein du foyer et en dehors, etc… J’avais opté pour la visio, afin de me faire une idée complète du truc avant d’en parler à Louisa.
À la fin de l’entretien, même si rien ne m’avait été dit de concret, j’étais persuadée d’avoir démasqué la supercherie. Ce n’était que dans le comportement de la jeune demoiselle qui m’avait interrogée. D’abord très froide, directe et procédurière, elle s’adoucissait au fur et à mesure de mes hésitations, de mes réactions presqu’outrées que je n’arrivais pas à retenir (particulièrement lorsqu’elle me demanda si j’étais d’accord sur le fait qu’une femme ne doit attiser le désir que de son mari). À la fin, elle me draguait presque et avait terminé en me tutoyant : « Tu recevras rapidement une réponse, et n’hésite pas à dire à ton amie Louisa de nous appeler très vite aussi. J’espère te revoir très vite Mélusine. » Cinq minutes de plus et je suis persuadée qu’elle m’aurait carrément excitée !
--- Mais t’es complètement cinglée ! s’est d’abord outrée Louisa. C’est quoi ton truc ? Une école pour bonnes épouses ?
--- Tu me fais confiance, n’est-ce pas ?
Ça a toujours été son point faible. Le fait que je puisse remettre en cause la confiance qu’elle me porte. Elle a donc appelé, et devant moi, en plus. C’était une autre jeune demoiselle, mais le comportement était exactement le même, et visiblement, lorsque Louisa lui a dit qu’elle appelait de ma part, la demoiselle en question ne semblait pas étonnée.
Après acceptation de notre dossier, nous nous y sommes rendues quelques semaines plus tard. L’été battait encore son plein, heureusement. L’endroit était tout simplement idyllique ! Le fait qu’il soit complètement était un brin refroidissant, au début, car nous avions un peu l’impression d’arriver dans une prison. Nous nous sommes installées dans notre bungalow, avec ses deux lits deux places, sa salle de bain féérique, et sa grande salle que je qualifierais de paradisiaque avec la vue sur la mer bleue.
Après cela, nous avions rendez-vous sur le bord de la piscine, où un pot nous attendait, ainsi qu’un discours de la directrice. Ce fut un moment intense. J’avais l’impression d’être une résistante, que ma simple présence dans ce qui n’était pourtant qu’un camp de vacances était une vraie rébellion, une protestation contre les valeurs qui étaient en train de se mettre en place.
--- Soyez assurées, mes amies, qu’ici, vous pouvez être qui vous voulez. Rien ni personne ne vous empêchera d’être ou de faire ce que vous voulez. Vous êtes des femmes, ou assimilées, si je puis dire, car parmi vous il y a aussi une trans pour qui la vie à l’extérieur est des plus rudes. Vous êtes des femmes alors soyez-le pleinement ! Et surtout, soyez-en fières !
Sur ces dernières paroles, le buffet fut servi. C’était le moment idéal pour commencer à faire connaissance avec les autres vacancières, avec qui nous allions passer deux semaines complètes. Dès les premières minutes, l’ambiance a été légère et enjouée. Il n’aura fallu que deux verres pour voir la première d’entre nous décréter qu’elle passerait ces deux semaines totalement nue, ce qui fut rapidement approuvé par la directrice, et même encouragé. Dans les deux heures qui suivirent le premier buffet de la première ouverture de ce camp féministe, le camp devint totalement nudiste, employées et directrice comprises. La toute dernière à avoir ôté ses vêtements était la trans, Amélie, et je dois avouer que je n’aurais pas parié sur le fait que la trans parmi nous était elle ! Il y eut bien un temps où les regards descendaient souvent sur son sexe, et parce qu’elle semblait gênée, nous nous sommes forcées à la regarder dans les yeux. Il faut avouer que malgré les hormones qui avaient la réputation de réduire la taille du sexe, le sien était resté dans de belles proportions. Nous avons appris plus tard qu’en fait, elle n’avait jamais pris d’hormones. Lorsqu’elle était un homme, on la confondait déjà avec une femme, à cause de ses traits (elle avait clairement le visage d’une femme) et de l’absence de pilosité. Le seul changement, donc, avait été ses seins. La chanceuse n’avait même pas à se raser le pubis, les jambes ou les aisselles !
Parmi nous, il y avait quelques femmes qui avaient un passé de naturistes, avec toute la philosophie qui accompagnait cela. Mais pour la plupart, c’était une première. Nous étions une vingtaine, en tout, sans compter nos hôtesses. Beaucoup étaient, comme Louisa et moi, venues en couple d’amies. Mais il y avait aussi deux couples de lesbiennes. Plus tard, dans la soirée, ce sont elles qui ont entamé les festivités. L’alcool aidant et l’euphorie que l’on ressentait à la création de cette nouvelle sororité nudiste, elles ont commencé à se lâcher, à s’embrasser. Nous étions bien sûr toutes émoustillées, mais nous tentions, au début, de ne pas trop les regarder, de faire comme si de rien n’était. Amélie, elle, n’a pas pu cacher bien longtemps son émoi ! Et son sexe dressé a terminé d’exciter les plus hétéros d’entre nous !
À la suite de cette première journée, donc, le camp de vacances était devenu non seulement nudiste, mais aussi échangiste. C’est lors de cette soirée que Louisa et moi avons nos premiers rapports lesbiens. Dès le lendemain matin (il était quasiment midi, en fait, lorsque nous nous sommes réunies toutes ensemble dans le hall principal), la directrice nous a dicté une nouvelle règle, et peut-être la plus importante de toutes : tout ce qui se passe dans le camp reste dans le camp.
Le bâtiment principal (que nous appelons « la maison ») est l’endroit où nous nous retrouvons toutes ensemble. À ma première visite, j’avais remarqué que plusieurs bungalows étaient vides. Elles comptaient donc développer le concept. Autour de la maison et son bar, réfectoire, piscine (et autres sauna, salles de massages, etc), il y a de nombreux petits chemins où l’on peut se promener. La plupart mènent aux différents bungalows, mais on y trouve aussi une petite superette, un cinéma, et même une salle de spectacle où l’on peut organiser différents types de soirées, selon les idées et les envies.
Au fur et à mesure des années, la sororité s’est agrandie. Nous sommes maintenant une cinquantaine de femmes en tous genres à se retrouver pour une quinzaine de plaisirs en toute sécurité. La plupart sont des jeunes femmes qui refusent ce que la société veut faire d’elles. Voilà maintenant sept ans que nous y allons, avec Louisa. Et pas une seule fois, je n’ai vu une crise de jalousie ou même ressenti de l’animosité entre deux « sœurs ». De toute façon, à la moindre incartade, c’est l’exclusion, on le sait. Je me souviens de Christine, le premier jour de la deuxième année, qui, en voyant Amélie et son beau sexe, avait lâché en plaisantant : « Je croyais qu’on ne serait qu’entre femmes ! » Géraldine, la directrice, est intervenue aussitôt : « Amélie est autant une femme que toi, Christine. Elle a juste un plus gros clitoris ! Alors si tu es jalouse, tu sais où se trouve la sortie, parce que ce genre de sentiment n’a rien à faire ici. » Christine s’est empressée de s’excuser auprès d’Amélie. À peine une heure plus tard, l’histoire semblait totalement oubliée, à en juger de l’entrain que mettait Christine à sucer Amélie sur le bord de la piscine ! Cet endroit est devenu notre paradis.
À l’extérieur, nous sommes devenues de simples animaux, voire des objets. Pour que les choses soient acceptées à l’international, nous avons toujours le droit de travailler (mais à des postes moins importants, évidemment), et même de voter (pour ce que le vote vaut de nos jours). Mais au quotidien, nous ne sommes plus rien. Finis les pantalons, finis les décolletés en public, ou même les bikinis sur les plages publiques ! Je ne vous parle même pas des mariages homosexuels ou de concubinage. Quelques personnes osent faire passer ça pour une simple colocation (ce qui est possible, avec tous ces problèmes pour se trouver un logement abordable), mais elles doivent faire très attention. Non pas que ce soit interdit par la loi, mais pire : c’est la société elle-même qui interdit ces relations. Les trans qui veulent se faire opérer doivent aller en Suisse ou en Belgique, quand ce n’est pas plus loin, comme la Grèce. Et il faut prendre de gros risques pour que les changements se fassent aussi au niveau administratif.
Nos maris, à moi et Louisa, ne sont pas en accord avec tout ça. Mais ils sont persuadés qu’ils ne peuvent rien y faire, et préfèrent finalement faire bonne figure en société tout en nous laissant, en privé uniquement, quelques libertés. Ce qu’ils ne veulent pas comprendre, c’est que dans la majorité des foyers ça se passe ainsi : les hommes continuent d’aimer leur femme en bikini ou en pantalon moulant. Avec Louisa, nous sommes d’accord : aussi adorables soient-ils, nous ne pouvons pas compter sur eux pour nous aider dans notre lutte, car au fond, ils apprécient plus qu’ils ne veulent bien l’avouer de nous voir soumises à leur bon vouloir.
Dans cette ambiance générale, nos escapades au camp des « Fleurs » (le nom exact est devenu, dès la deuxième année « Vacances fleuries », après un vote unanime ; nous voulions à la fois faire croire que nous voulions passer un moment « proche de la nature » et donc renouer avec notre fonction procréatrice, tout en faisant allusion à nos « fleurs » entre nos jambes !) sont devenues salvatrices pour chacune d’entre nous. C’est aussi devenu le lieu où nous organisons notre lutte. Certaines sont axées sur les actions à la limite de la violence, mais pour ma part je préfère être de celles qui influencent, qui recrutent.
Toutefois, nous n’oublions pas de prendre soin de nous, de retrouver notre féminité et de la célébrer. Avec l’avènement des drones, nous avons été obligées d’installer un brouilleur sur l’ensemble du camp qui, aujourd’hui, fait entre 4 et 5 hectares, complètement fermé, et impossible à espionner.
C’est pour ça que même autour de la piscine, nous nous aimons. Il n’est pas rare, comme sur la photo, que Louisa m’écarte les jambes pour se repaître de ma mouille abondante. Cette année, nous avons fait la connaissance d’une nouvelle arrivée dans l’équipe d’hôtesses : Angélique. Cette jeune blonde m’a tout de suite tapé dans l’œil, et Louisa (s’étant renseignée en quelques minutes sur ce qu’Angélique pouvait proposer comme activités) s’est empressée de m’inscrire à un massage tantrique en sa compagnie. En plus d’être belle, elle a un esprit qui me fait vibrer. C’est une combattive, une de celles qui n’hésitent pas à organiser des actions « coup de poing ». Et pourtant, elle a un sens de l’humour sans limite. J’aime sa légèreté et les mots qu’elle me susurre pendant que je goûte à sa fleur à elle. Dès la tasse de thé que nous avons partagée avant le massage, elle m’est apparue comme une femme exceptionnelle, et bien qu’elle ait au moins dix ans de moins que moi, elle semblait en connaître bien plus que moi sur le monde et la façon dont il tourne.
Elle est venue ici pour se mettre au vert, justement. Sa dernière action s’étant mal passée et ayant blessé quelqu’un, dans le métro (je n’ai pas demandé les détails), elle a été rapidement été accueillie dans l’équipe pour se faire oublier.
C’est justement près de la piscine, que je suis tombée amoureuse d’elle. Après une réunion où nous avions parlé de la situation des hommes homosexuels et trans et comment notre sororité pouvait leur venir en aide sans compromettre la couverture des Vacances Fleuries, nous prenions le soleil avec Louisa. Dans l’eau, quelques femmes barbotaient et riaient. Plus loin, nous entendions quelques gémissements. Amélie et Christine, sûrement. J’ai rapidement senti la main de Louisa se poser sur ma peau et commencer à me caresser. J’ai souri en gardant les yeux fermés. Je me suis toujours senti si bien, en sa compagnie, et encore plus depuis que nous couchons ensemble sans que cela n’impacte notre relation.
Je me suis souvent demandé comment cela se faisait que ce n’était pas arrivé avant. Je l’ai toujours trouvé magnifique et je savais que c’était réciproque. Nous n’étions pas du genre pudique, entre nous. À la piscine, nous nous changions toujours dans la même cabine, pour pouvoir continuer de papoter en même temps. Même dans les cabines d’essayage, et sans compte toutes les fois où nous avions dormi ensemble. Avant de connaître cet endroit, je n’ai jamais ressenti de désir pour elle. Pourtant, à cette première soirée, c’était comme si c’était logique, comme si nos corps se connaissaient déjà.
Alors en sentant sa main sur mon corps, je me sentais complète. Enfin presque, mais je ne le savais pas encore tout à fait. Lorsqu’elle s’est aventurée sur le bas de mon ventre, j’ai ouvert les yeux, lui ai souri. Elle a tout de suite remarqué que je cherchais quelque chose du regard. D’un simple coup de tête, avec son petit sourire en coin qu’elle a à chaque fois qu’elle lit en moi comme dans un livre ouvert, elle m’indiquait la direction dans laquelle je devais regarder.
Angélique était en train de discuter avec d’autres femmes, plus de son âge. Les doigts de Louisa glissaient sur mes lèvres déjà humides et moi, je regardais Angélique et son sourire enjôleur, qui était en train d’écouter une autre jeune femme raconter quelque chose d’apparemment plaisant. Louisa bougea pour placer sa tête entre mes jambes. Par réflexe, je passai une main dans ses cheveux pour l’encourager à continuer dans cette idée. À peine sentis-je ses lèvres se poser sur mon bouton que je lâchai un râle de plaisir.
C’est à ce moment que les yeux d’Angélique se sont braqués sur les miens. Je me suis mordu la lèvre, parce que Louisa me connaît par cœur et sait exactement où passer sa langue pour me faire monter dans les tours en un rien de temps. Je quittai des yeux un petit instant ma belle ange pour échanger un regard intense avec ma moitié. Elle a glissé un doigt en moi, précis et assuré, et mes hanches se mirent à onduler d’elles-mêmes, en rythme avec ses caresses internes.
Je réussis à me reprendre avant d’exploser, et cherchai à nouveau Angélique du regard. Elle n’écoutait plus ce qui se disait autour d’elle et nous regardait, nous scrutait. Je tendis mon bras vers elle, et se leva, s’excusant gentiment auprès de ses amies. Celles-ci eurent des petits ricanements, mais même Angélique n’en faisait plus cas. Elle marcha jusqu’à nous, sans se presser, belle, onctueuse et ensorcelante. Elle avait une légère toison sur le pubis, du genre qui disait « je suis une femme et je l’assume ». Ses hanches ondulaient presque autant que les miennes à l’instant et ses seins tout ronds remuaient doucement de haut en bas, et de gauche à droite. Et son sourire… Mon dieu, ce sourire qui m’était adressé, rien qu’à moi !
Je la regardais s’approcher ainsi en continuant d’onduler sous les coups de langue experts de Louisa et pressant mes seins volumineux dans mes mains. Lorsqu’Angélique est arrivée et s’est accroupie près de nous, je crois que mes yeux étaient aussi humides que ma vulve.
Jusque-là, en dehors du massage, nous n’avions pas vraiment eu de moment intime et physique comme celui-là. J’avais bien profité d’une ou deux soirées qui s’étaient terminées en orgie autour de la piscine ou dans la maison pour lui voler quelques caresses ou baisers, mais mis à parts les moments que nous avions passé à discuter, il ne s’était rien passé entre nous. Pour le massage, étant en toute confiance et un peu sous son charme, j’avais accepté « la complète », si je puis dire, et j’avais encore le souvenir de ses mains encore adoucies par l’huile, et de ses doigts fins qui m’avaient pénétrée jusqu’à me faire jouir.
Cette fois, c’était autre chose. Elle n’était pas là en tant qu’hôtesse… et encore moins pour faire la discussion. Je la désirais, de tout mon être, et à en juger par la façon dont elle avait accepté l’invitation, je me disais que c’était réciproque.
Louisa se calma un peu, lorsqu’Angélique posa sa main sur mon ventre pour se pencher au-dessus de mon visage. Ses longs cheveux blonds tombaient autour de mon visage et formaient comme un rideau qui nous coupa, l’espace d’un petit moment, du monde entier. Je plongeai dans ses yeux, serrai Louisa entre mes jambes, comme pour lui signifier que je ne l’oubliais pas et qu’elle avait toute son importance dans ce moment.
--- Tu es si belle, me murmura Angélique avant de m’embrasser.
Son baiser m’électrisa complètement. Louisa choisit ce moment pour me refaire monter encore dans les tours. Je passai une main dans les cheveux d’Angélique, dans son cou si sensuel. Cette fois, j’étais complète. Avant que je n’explose (Louisa aimait ça, me faire monter puis redescendre, jusqu’à me faire la supplier de me faire jouir), mon âme sœur se défit de mon emprise et vint s’allonger près de nous. Elle me vola un baiser, rempli d’amour. Pas d’un amour charnel qu’il y a entre deux personnes qui forment un couple. Ce baiser-là, bien que de bouche à bouche, bien que nos langues se soient lancées dans une danse énergique, que nos dents se soient cognées entre elles, était ce qui se rapprochait le plus d’une embrassade entre deux sœurs. Elle caressa ensuite la joue d’Angélique et l’embrassa à son tour, avec plus de tendresse que d’envie, et sans un mot, elle nous laissa là, toutes les deux, au bord de la piscine.
En la suivant du regard se diriger vers la maison, je vis Amélie et Christine, maintenant allongées chacune sur son transat, le corps encore luisant des ébats qui venaient de se terminer. Je ne saurais décrire exactement ce qui s’est passé ensuite. Nous nous sommes embrassées longtemps, en nous murmurant des mots hachés : « Dès le premier regard », « envie de toi », « si belle », « prends-moi », « veux te goûter » … Il me semble qu’à mon premier orgasme, elle ne m’avait encore touchée, ou si peu. Peut-être les seins, simplement.
La suite est vague et intense, dans mon souvenir. Nous nous sommes aimées comme jamais deux personnes se sont aimées auparavant. Je me souviens du goût épicé de sa vulve, comme si même son sexe avait un goût de lutte. Je me souviens de la sensation de son minuscule bouton frottant le mien plus conséquent, de celle de sa langue sur ma peau ou en moi, de sa bouche contre la mienne, de son haleine légèrement alcoolisée, de ses doigts qui me pénétraient partout, me faisant découvrir des plaisirs auxquels je n’avais encore jamais goûté.
Et puis il y avait ses couinements, ses cris aigus lorsqu’elle jouissait. Tous ces mots d’amour que nous échangions, à peine prononcés mais aussi clairs que s’ils avaient été criés. Et puis il y avait ses yeux qui ne cessaient de me dévorer, et puis… et puis il y avait cette manière qu’elle avait de me caresser après chaque orgasme, qui me faisait comprendre qu’elle ne serait jamais rassasiée de moi.
Lorsque j’ai émergé de ce rêve éveillé, il faisait nuit et nous étions seules auprès de la piscine. Même la maison était vide. Je ne sais pas quelle heure il était et je m’en moquais. Angélique s’était endormie comme une masse, sa tête sur ma poitrine. Ses cheveux chatouillaient le bout de mon nez. Je l’ai entourée de mes bras et lui ai susurré : « Je t’aime, Angélique ». Dans son sommeil, elle m’a vaguement répondu qu’elle aussi, tout en se serrant encore un peu plus contre moi. Et je me suis endormie peu de temps après.
Puis ce fut comme une descente aux enfers. Elle ne m’avait rien dit avant, peut-être de peur que je la dissuade. Le lendemain, j’appris qu’Angélique était en prison. J’en fus triste, ravagée, et il fallut tout l’amour de Louisa pour m’empêcher de faire une bêtise et quitter le camp sur-le-champ pour me rendre à la prison où elle avait été enfermée.
Ça n’avait rien de raisonnable, bien entendu. Si j’avais fait cela, je n’aurais fait que la rejoindre de l’autre côté des barreaux comme complice, entraînant sûrement avec moi l’ensemble des membres des Vacances Fleuries, car ils ne tarderaient pas faire le lien entre cet endroit et la lutte qui gagnait en puissance dans le pays. Angélique avait braqué et saccagé rien de moins que le jet privé du président de la République une heure avant que celui-ci ne soit sensé monter dedans. Pour y avoir accès, le petit commando dont elle faisait partie avait brutalisé, assommé et séquestré plusieurs membres de la garde républicaine et du personnel de l’aéroport. Elle passait en continu à la télé, au moment de son arrestation sur le tarmac, ses magnifiques seins à l’air où elle avait inscrit « Free us ! ». Ce qui me rassura, c’était de voir avec quelle classe elle se laissait embarquer, malgré son œil bleui et le sang qui coulait au coin de ses lèvres.
Quelques heures plus tard, Géraldine la directrice me convoquait dans son bureau. Elle ne me dit rien. Elle m’invita à m’asseoir et me tendit une lettre avant de sortir, non sans m’offrir une petite caresse amicale et un bisou sur le front. Je m’empressai de l’ouvrir, intriguée, et espérant qu’il s’agissait d’un mot d’Angélique. Je commençai d’ailleurs par vérifier la fin. C’était bien signé de son nom. Je n’ai pas pu la garder, car elle aurait pu constituer une preuve de ce qu’était vraiment les Vacances Fleuries et ne peux donc vous la retransmettre.
Dans cette lettre, elle m’expliquait les raisons de son départ avant mon réveil. Elle m’expliquait aussi tous les sévices et traumatismes qu’elle avait endurés dans sa vie depuis la mort tragique de ses parents dans un accident de voiture, tout ce qui l’avait menée à ce jour. Derrière mes yeux embrumés par les larmes, je l’imaginais devant moi, j’imaginais ses lèvres bouger et me prononcer ces mots écrits. J’imaginais son sourire lorsqu’elle m’avoua avoir hésité à participer à cette action après notre rencontre. Elle m’avouait s’être masturbée trois fois dans sa chambre après le massage, ce qui me fit rire.
Elle me dit aussi que cette dernière action la mènerait forcément en prison, si ce n’était pire. Elle me suppliait de ne jamais venir la voir. Puis enfin, elle me parlait de ce qu’elle aurait aimé, si elle n’était pas en prison. Au moment où elle écrivait la lettre qui me serait destinée une fois l’action terminée, elle s’imaginait partir. Le nord de l’Irlande, belle et sauvage. Comme elle, je pensai alors. Elle s’imaginait m’embarquer avec elle, voguer sur la Manche comme deux fugitives, et disparaître aux yeux du monde dans le Donegal. Elle me disait y avoir déjà été dans son enfance, alors qu’elle était encore innocente et qu’aucun homme, aucune femme n’avait encore abusé d’elle. Elle me disait qu’elle rêvait de revoir les falaises de Slieve League, lorsqu’elle allait avec sa tante camper près de Teelin.
Enfin, elle terminait sur le fait qu’elle me remerciait, que grâce à moi elle avait goûté à l’amour, le vrai, et que rien pour cette nuit, elle ne regrettait rien. Elle me souhaitait d’être aussi heureuse qu’elle l’était elle-même et m’incitait à continuer la lutte.
Il restait trois jours avant que l’on ne doive rentrer chez nous. Je les passai dans le bungalow avec Louisa, qui ne voulait pas me quitter des yeux une seule seconde. Elle m’aurait suivie aux toilettes si elle avait le moindre doute sur mes intentions ! Elle n’arrêtait pas de me répéter que tout allait bien se passer, qu’Angélique sortirait sûrement plus tôt qu’on ne le croirait. Après tout, cette action n’avait pas non plus visé le président en personne. Ça ne pouvait pas être si grave.
Dans les jours qui suivirent le coup d’éclat d’Angélique et de ses trois amies, la colère monta dans le pays. De nombreuses manifestations féministes eurent lieu, et la répression dont elles furent l’objet allait crescendo. Les garde-à-vue se multipliaient, mais cela n’allait pas plus loin : lors de ces mouvements, il n’y avait pas de casse, aucune réponse à la violence policière, rien à reprocher aux femmes, si ce n’était le fait qu’elles hurlaient des slogans anti patriarcaux. Les seules qui eurent affaire à la justice, ce fut pour atteinte à la pudeur, parce qu’elles manifestaient torse nu, voire carrément toutes nues. Il n’y eut pas vraiment d’autre réponse que celle de la violence, mais l’arrestation d’Angélique et de ses trois comparses avait indubitablement été le déclenchement de quelque chose. Quelque chose qui allait sûrement durcir, mais aussi durer. Un jour, nous disait Géraldine, nous devrons nous confronter de plein fouet à ce qui ronge ce monde : le patriarcat et son descendant, le capitalisme.
Quinze jours après, le procès devait commencer. Mais il n’eut pas lieu. Enfin si. Mais sans aucune accusée dans le box ! Louisa avait annulé, la veille, notre rendez-vous pour un cinéma, où nous devions retrouver quelques amies de lutte et nous réunir ensuite dans une arrière-salle après la séance, pour organiser les prochaines manifestations. Le soir-même, Angélique et ses acolytes s’évadaient de prison. Le lendemain matin, le mari de Louisa appelait à la maison :
--- Excuse-moi de te déranger, mais Louisa est restée chez vous, hier soir ? J’ai beau essayer de l’appeler, elle ne répond pas.
Tout s’imbriquait dans ma tête : l’absence de Louisa, l’évasion d’Angélique, apparemment si bien préparée que c’était comme si elle n’avait jamais été dans sa cellule. Alors la réponse fusa :
--- Elle est rentrée avec une autre amie qu’on a croisé au cinéma. Elles voulaient aller boire un verre, mais j’avais mal au crâne, alors je les ai laissées. Elles ont dû terminer chez… Angélique ! mais n’ont pas vu l’heure passée et il était trop tard pour que Louisa prenne toute seule un taxi. Je vais appeler Angélique pour savoir !
--- Merci Mélusine ! T’es une vraie amie !
Je raccrochai sans attendre. Pour la forme, j’essayai d’appeler Louisa, mais son téléphone sonna dans le vide, comme je m’y attendais. Mon cœur battait à tout rompre. L’évasion d’Angélique, la disparition de Louisa. La lettre. La lettre n’était pas une lettre d’adieu ! C’était carrément une invitation !
Je me rendis sur mon ordinateur et achetai deux traversées Roscoff-Cork. Une pour moi, et une pour mon mari, histoire que l’Intelligence Artificielle ne signale pas le voyage d’une femme seule à l’international. Je réservai aussi deux vols pour la Grèce et deux tickets de train pour la Suisse, tous avec des départs quasiment à la même heure. Je rassemblai quelques affaires dans un petit sac de voyage et appelai un taxi.
Quatre heures plus tard, mon porte-monnaie rempli de tout le liquide que je pouvais retirer en une journée, une dizaine d’appels en absence de mon travail et une quinzaine de mon mari, je balançai mon téléphone par la fenêtre du taxi qui allait me déposer à Roscoff. Je stressai un peu au moment de passer la douane, et la question fusa :
--- Et votre mari, il n’est pas là ?
--- Il a eu un empêchement de dernière minute au travail, mais il me rejoint par avion demain. Nous allons enterrer un vieil oncle. Le reste de ma famille est sûrement déjà sur le bateau.
Le type me regarda avec défiance, alors je lui souris comme je pus. Quand il me laissa passer, je m’empressai de me rendre jusqu’à l’immense bâtiment et trouver ma cabine. Où je ne pouvais rester. À l’heure qu’il était, mon mari avait sûrement trouvé les achats par internet. Je m’en voulais de le laisser comme ça et je me jurais de finir par lui donner des nouvelles. Mais je savais que c’était faux. Si je le faisais, je condamnerais aussi Angélique. Je me baladais dans les couloirs, ne restais jamais bien longtemps au même endroit. D’une part parce que j’avais la bougeotte, et d’autre part pour qu’il soit moins facile de me trouver, au cas où mon mari ou celui de Louisa ait eu le temps d’embarquer par miracle.
Lorsque j’entendis la sirène du bateau signifiant le départ de celui-ci, j’explosai de joie. Les gens alentour me prenaient pour une folle, et je l’étais sûrement. J’eus d’un coup l’envie de sortir, monter sur le pont supérieur et voir ce pays disparaître de ma vue. En passant près du bar, je commandai une pinte de bière ainsi qu’un paquet de cigarettes. Cela faisait de nombreuses années que je n’avais plus fumé. J’ignorai royalement la bande de relous au bout du comptoir, déjà éméchés, et me rendis donc sur le pont. J’allumai ma cigarette que je fumai en me délectant de ma bière qui avait un goût de liberté. Le port s’éloignait, inexorablement, et avec lui, toute ma vie. J’étais en train de plonger dans l’inconnu comme jamais, mais je savais aussi que si j’étais restée, j’aurais fini par me noyer. Mon mari était en âge, encore, de trouver une jeune fille belle et soumise qui lui ferait un enfant. Pour ma part, cette vie-là ne me convenait plus.
Nous n’étions bien sûr pas à l’abri que ce genre de choses n’arrive pas en Irlande, mais de ce que j’avais compris de cette région, nous pouvions y vivre en paix. Je finis donc ma pinte et marchai d’un pas léger jusqu’à ma cabine où je m’enfermai jusqu’au lendemain matin.
Arrivée de l’autre côté de la Manche, je pris un taxi qui m’emmena jusqu'à Galway. Là-bas, je pris une chambre au-dessus d’un pub et partis faire du shopping. C’est que l’invitation que m’avait écrite Angélique n’était pas très précise. Je m’équipai donc pour plusieurs jours de randonnée : sac à dos, tente, vêtements chauds, gourde, différentes cartes (routières et de randonnées) et quelques provisions.
Bien entendu, je n’ai pu m’empêcher d’aller goûter à l’ambiance au rez-de-chaussée. Voilà bien longtemps que je ne m’étais pas rendue dans un débit de boisson seule. Lorsque j’ai poussé la porte, il n’y a pas eu de regards mauvais, pas d’yeux qui ont fouillé derrière moi pour voir si j’étais accompagné. La moyenne d’âge était assez basse, aussi, il faut dire. Et Galway a cela de particulier que l’on peut y entendre de nombreuses langues. C’est d’ailleurs pour ça que je n’y suis pas restée plus que le temps de boire ma pinte. Je ne voulais pas tomber sur des français qui auraient pu attester de ma présence si mon mari venait à me chercher jusqu’ici.
Le lendemain matin, je pris un autre taxi pour me rendre au nord-ouest de ce magnifique pays que je découvrais. Malheureusement, je ne pouvais pas prendre le temps de visiter. Peut-être en aurais-je l’occasion plus tard. Pour l’instant, je me doutais que le créneau pour retrouver Angélique serait très minime.
Le chauffeur me déposa à Teileann, un petit village côtier dont m’avait parlé Angélique dans sa lettre. J’avais l’impression agréable de remonter sa trace depuis son enfance. Je ne savais pourtant rien d’elle. Les abus dont elle parlait brièvement... jusqu’où avait-elle subi la folie de l’être humain? Mais ici, il me semblait qu’elle avait vécu des vacances heureuses, loin de tout souci. Je sortis mes cartes et trouvai le chemin qui menait aux falaises. J’allais prendre mon temps, maintenant. Je décidai que ce soir, je dormirais au sommet du Sliabh Liag, quand même ce ne serait pas autorisé.
À cette époque de l’année, il y avait vraiment peu de gens sur les sentiers, et je pouvais profiter de la vue époustouflante que m’offrait cette balade. Je n’avançais pas bien vite, avec mon bardage et je faisais des pauses régulièrement. Je regrettai un instant de ne pas avoir acheté un nouveau téléphone, pour prendre des photos, mais décidai que je devais imprimer les images dans mon cerveau. Je restais donc de longues minutes, assise sur le bord du sentier, à admirer la vue sauvage. Puis je repartais, doucement.
J’arrivai en fin de journée au sommet et compris immédiatement pourquoi Angélique avait autant été marquée par cet endroit. J’avais de la chance, le temps était clément et le vent ne soufflait pas trop fort. Je trouvai un endroit un peu à l’écart du chemin, proche du parking, et un peu à l’abri du vent, pour installer mon petit campement. Je ne m’y attardai pas trop. Je me rendis à l’endroit où la vue était la meilleure, pris un moment pour m’imprégner de ce lieu, puis finis par sortir les jumelles que j’avais achetées à Galway, pour surveiller les chemins. Malheureusement, je ne vis pas Angélique, ni même Louisa. J’attendis là, jusqu’à ce que la nuit tombe et que je sois complètement frigorifiée, et retournai à ma tente.
La nuit fut longue, parsemée de pensées pour mon mari qui devait autant s’inquiéter que s’énerver. Il devait en être de même pour celui de Louisa. Sûrement étaient-ils même ensemble à se monter le bourrichon. Mais la plupart du temps, mon esprit rejoignait celui d’Angélique. Je m’inquiétais pour elle, me demandais où elle se trouvait, si elle allait bien, et en même temps, de vagues images et sensations de notre soirée d’amour remontaient avec violence, me vrillant les tripes, jusqu’à ce que je n’aie d’autre choix que de me faire jouir dans mon sac de couchage trop étroit.
Au petit matin, le vent s’était levé un peu. Je pris mon temps pour manger un peu et me faire un petit brin de toilette avant de ressortir et me placer à mon poste d’observation. Un petit groupe se trouvait déjà là, et mon cœur se mit à tambouriner lorsque je reconnus d’abord Louisa. Il y avait aussi Amélie, la trans de notre groupe, et Christine. Elles me tournaient le dos et ne me virent pas arriver avant de m’entendre m’approcher, les petits cailloux crissant sous mes pas qui s’accéléraient.
Toutes les trois crièrent de joie en venant à ma rencontre:
--- Je vous avais dit que c’était elle! s’exclama Christine.
Je serrai si fort Louisa dans mes bras qu’elle dut me dire d’arrêter, nous nous embrassâmes comme si c’était la première fois, et j’offris exactement le même accueil aux deux autres, surprenant un peu Christine lorsque nos bouches se collèrent l’une à l’autre.
--- Elles sont toutes les quatre au village, me répondit Louisa lorsque je m’enquis de savoir où se trouvait Angélique. Maintenant que tu es là, nous allons pouvoir partir dès ce soir.
--- Partir? Où ça?
--- Ça, je n’en sais encore rien. Un groupe de résistantes doit venir nous chercher dès que nous leur faisons signe... Angélique voulait attendre quelques jours pour savoir si tu viendrais la rejoindre...
Je récupérai rapidement mes affaires et nous reprîmes le chemin inverse. Sur la descente, elle m’expliquèrent que tout était préparé d’avance, autant l’action que l’arrestation et l’évasion.
--- Je suis désolée de ne pas t’en avoir parlé, Mélu, me dit Louisa.
--- Je comprends, la coupai-je. Je savais qu’en refusant de participer à ce genre de lutte, je ne serais pas mise au courant de ces choses-là. Ni même de celles qui y participaient. Tu n’as pas à t’excuser, Louisa. Tu m’as ramené Angélique, c’est à moi de te remercier.
Les quatre fugitives et leurs compagnes ou compagnons se trouvaient dans une maison un peu à l’extérieur du village. Elles avaient pour consigne de ne pas sortir de là, ne pas s’approcher des fenêtres, comme si elles n’étaient pas là, en quelque sorte.
Pourtant, lorsque nous arrivâmes dans la cour, je surpris le visage d’Angélique derrière un rideau juste légèrement tiré. J’entendis Amélie râler un “Elle peut pas écouter ce qu’on lui dit, celle-là...” et je me mit à rire. L’envie, le désir, le plaisir étaient trop grands. Je laissai ce que je portais tomber dans la cour et courus jusqu’à la porte d’entrée. À peine eus-je le temps de l’ouvrir qu’Angélique me sauta dessus. Nos bouches se retrouvèrent, se picorèrent avec urgence, comme pour s’assurer que ce que nous étions en train de vivre n’était pas un rêve de plus. Elle me disait à quel point je lui avais manqué, à quel point elle espérait que je comprenne sa lettre, que je vienne avec elle. Je voulus lui répondre, mais les autres entrèrent dans la maison et nous interrompirent un instant.
--- Tu ne devrais pas être dans cette pièce, la gronda gentiment Amélie, que je découvrais bien plus sûre d’elle et autoritaire qu’à son habitude.
En réponse, Angélique lui sourit et me prit la main pour me tirer avec elle jusqu’à une porte qui menait au sous-sol. Là, je fis connaissance avec celles que j’avais vues à la télé avec Angélique: Zoé, Anaïs et Kamila; ainsi que ceux et celles qui les avaient rejointes, respectivement Guido, Sabine et Winona, avec son délicieux accent américain.
La pièce faisait environ la même surface que la maison et était basse de plafond. Chaque couple avait un petit coin pour lui, avec simplement un matelas au sol, oreillers et couettes. Au centre, il y avait une table, sur laquelle traînait encore un tapis vert et un jeu de cartes, ainsi que quelques bouteilles vides. Elles avaient dû fêter leur libération pendant que je faisais le chemin depuis la France. Louisa, Christine et Amélie nous rejoignirent et nous partageâmes un verre ou deux.
Nous restâmes parler un peu, mais bientôt, Angélique m’attira dans son coin, sur son matelas. Nous parlions toutes à voix très basse, et maintenant que nous nous trouvions dans ce petit coin où la lumière peinait à arriver, nous chuchotions carrément en nous regardant, nous caressant, nous embrassant. J’étais aux anges. Je ne savais pas ce que l’avenir allait nous réserver mais je n’en avais cure, en vérité, tant que cet avenir était auprès d’Angélique.
Bientôt, sa main passa sous mon haut. Nos baisers se firent plus intenses, plus insistants. Très vite, nos mots chuchotés furent remplacés par de petits soupirs de plaisir. Angélique commença à me déshabiller et je retrouvai la sensation de sa bouche de mes tétons dardés. Je remarquai Louisa qui nous regardait et lui souris, comme un remerciement silencieux. Angélique m’allongea et descendit petit à petit, me déshabillant complètement pour que je lui offre mon sexe.
Pour alors, je gémissais déjà plus fort et m’étais bien rendu compte que nous étions devenues comme un spectacle que les autres contemplaient. Guido grignotait déjà le cou de Zoé. Je souris de plus belle et fermai les yeux pour me concentrer sur Angélique et seulement elle. entre deux gémissements, je lui susurrai à quel point je l’aimais. Si elle ne prononça aucun mot pour me dire que c’était réciproque, je fus pourtant bouleversée de sentir tout son corps se tendre à chaque fois que je prononçais ces mots, comme si j’aurais pu la faire jouir à force de les répéter.
Elle délaissa un peu mon sexe dégoulinant pour remonter au-dessus de moi. Comme la première fois près de la piscine, ses cheveux blonds formèrent un rideau autour de mon visage. Mes doigts en profitèrent pour s’enfoncer en elle, alors qu’elle plantait son regard dans le mien.
--- Si tu savais comme j’ai rêvé de ce moment, me dit-elle en ondulant des hanches alors que je triturais son point G.
--- Tu pensais à moi en prison? lui demandai-je en ralentissant un peu.
--- Tout le temps, me fit-elle en appuyant son bassin sur ma main, enfonçant complètement mes doigts en elle.
--- Tu t’es caressée?
Elle ricana et me posa un baiser, avant de venir mordiller mon lobe d’oreille en murmurant:
--- Tous les soirs...
Il ne m’en fallut pas plus pour me faire vriller. J’attrapai son cou de ma main libre et l’embrassai avec fougue, nos langues se rencontrèrent à nouveau et entamèrent un danse aussi impudique que chaotique. Je la doigtais de toutes mes forces, mes doigts devenus comme une bite qui la pilonnait sans vergogne.
Elle jouit rapidement et bruyamment avant de s’effondrer près de moi pour me dévorer à nouveau les seins. C’est seulement à ce moment-là que je me rendis compte de ce qui se passait autour de la table. Guido avait allongé Zoé sur la table après l’avoir déshabillée et lui broutait le minou pendant que Louisa s’était assise sur son visage, les seins tendus de désir. Winona et Christine se partageaient le pieu dressé d’Amélie, agenouillées au sol, et Anaïs, Kamila et Sabine s’étaient allongées sur un autre matelas pour un trio visiblement à base de jouets en tous genres.
Je revins pourtant très vite à ma douce Angélique. Ses dents et sa langue jouaient avec mes tétons en rythme avec ses doigts sur mon clitoris extrêmement gonflé. Elle le pinça légèrement et je fus surprise du gémissement de plaisir qui accompagna la légère douleur. Elle entreprit alors de faire ce que je n’avais jamais osé faire avec. J’avais très vite remarqué que mon clitoris avait des proportions un peu au-dessus de la moyenne. Très excitée, il pouvait atteindre à peu près la largeur d’un doigt fin, dont le bout était assez semblable à mini gland.
Elle le prit donc ses doigts et commença à imprimer de petits va-et-vient le long de mon clitoris. La sensation fut intense, bien plus importante que lorsqu’on le fait rouler sous les doigts. Je me cambrai vers ses doigts qui me faisaient tant de bien. Le sous-sol était empli de gémissements, comme un ode à la liberté retrouvée. Je sentis la bouche d’Angélique redescendre vers mon sexe, elle me souleva légèrement les hanches pour mieux me dévorer, s’appliquant à me sucer le clitoris tout en jouant de sa langue sur le bout. Mes deux mains s’agrippaient à ses cheveux, elle me faisait jouir sans que je n’arrive à en deviner la fin.
Plus loin, les coups de butoir de Guido faisaient trembler la table. Zoé lui criait de continuer, toujours en-dessous de Louisa qui lui branlait le clito en se frottant contre sa langue. Winona avait chevauché Amélie, Christine lui léchait la rondelle. Kamila les avait rejointes, laissant Anaïs et Sabine à leurs jouets qu’elle s’enfonçaient visiblement dans à peu près tous les trous. Elle se tenait debout derrière Amélie, lui caressait les seins tout en embrassant sa chérie par-dessus sa tête.
L’ambiance était révoltée. Je finis par sentir mon corps se détendre, le tsunami de plaisir me laissant un instant amorphe. Mais Angélique n’en avait pas assez. Elle n’en aurait sûrement jamais assez, et c’est aussi ça qui faisait que je voulais passer le reste de ma vie à ses côtés. Sans trop comprendre comment, une ivresse m’ayant envahie, je me retrouvai à quatre pattes et sentis sa langue entre mes fesses qu’elle écartait avec impudeur. Je me tendis d’abord, mais finis par accepter ce nouveau plaisir inédit. Je posai ma tête sur l’oreiller et lui offris ma croupe comme je ne l’avais jamais offerte à personne, encore.
La tête tournée ainsi, je pus m’imprégner un peu plus de ce qui se passait: Guido était en train de jouir dans la bouche de Louisa, qui s’empressa de venir partager le liquide avec Zoé dans un baiser endiablé. À quatre pattes sur la table, elle offrait sa croupe à l’homme qui s’en délectait, alors que son membre pas encore durci avait retrouvé sa place dans le fourreau de Zoé.
Christine avait pris la place de Winona sur le pieu d’Amélie qui avait été allongée à même le sol. Kamila se frottait la vulve contre ses seins, en ondulant en rythme avec Christine, serrées l’une contre l’autre. Anaïs prenait Sabine en levrette avec un gode ceinture et je pouvais voir le plug anal briller par instants entre ses fesses.
Angélique finit par insérer un doigt dans ma rondelle. C’était bien différent de la dernière fois, car toute son attention était focalisée sur cet orifice. Je ne m’étais jamais faite sodomisée. Enfin... Je n’avais jamais réussi à me décontracter assez, la douleur étant trop forte. Avec Angélique, ce fut si facile. Son doigt me pénétra avec aisance, et lorsqu’elle y glissa un deuxième, j’accueillis la douleur avec délectation, jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse d’elle-même. Je jouis rapidement une deuxième fois, mais cette fois, j’étais en pleine possession de mes moyens.
Je l’attrapai et la plaçai de façon à ce que nos sexes puissent se frotter l’un contre l’autre. Elle grognait plus fort lorsque mon clitoris, qui me semblait gonflé comme jamais, s’insinuait entre ses lèvres. J’avais comme le sentiment de la baiser comme le ferait un homme, la pénétrer de mon petit membre érectile, même si je savais bien qu’elle devait à peine le sentir. Nous finîmes pourtant avec Angélique me chevauchant comme l’avait fait plutôt Christine sur Amélie. Elle frottait convulsivement sa vulve sur mon clitoris et nous jouîmes ensemble, dans une explosion à nul autre pareil.
Lorsque je repris mes esprits, Angélique somnolant, la tête sur mes seins encore tendus de plaisir, je remarquai que Louisa et Amélie avaient quitté la pièce. Guido et Zoé s’étaient servi un nouveau verre, Sabine et Anaïs somnolaient dans les bras l’une de l’autre, et Winona, Christine et Kamila avaient rejoint un matelas pour s’enlacer toutes les trois.
Je regardai le plafond gris et souris. Contrairement à la sensation que j’avais lorsque ce genre de chose arrivait au camp, il n’y avait aucune revendication derrière. Aux Vacances Fleuries, nous nous emmêlions dans un esprit de rébellion à l’ordre établi. Ici, dans cette cave, c’était l’ordre établi qui régnait, notre nouvel ordre, celui dirigé par l’amour sans barrière.
Je sentis une petite larme couler sur ma joue et la séchait du revers de la main en voyant Louisa redescendre, encore nue. Ce fut la première fois que la vis ainsi. Dans son plus simple appareil, je la vis comme une guerrière, une meneuse. Je remarquai pour la première fois à quel point ses seins étaient fermes. Elle avait le même âge que moi, mais les siens ne commençaient pas à s’affaisser. Elle parla d’une voix douce et pourtant autoritaire:
--- La nuit sera tombée dans une heure, mes chéries. Nous partons dans une heure trente.
Elle vint s’asseoir sur le matelas, près d’Angélique et moi. Nous lui sourîmes de concert et elle me caressa le visage, sans un mot, avant de se pencher pour m’embrasser, pendant qu’Angélique nous regardait en souriant de plus belle.
--- Je suis tellement heureuse que tu sois là, me dit-elle.
Je lui répondis que moi aussi, que je la remerciais encore pour tout ce qu’elle avait fait. Puis elle se leva pour aller récupérer ses vêtements. Bientôt, nous fûmes toutes habillées aussi.
Dans la nuit, des phares apparurent dans la cour. Ce fut le branle-bas de combat et en moins de trois minutes, nous étions toutes réunies dans la grande salle de la maison.
Un homme conduisait le petit camion, accompagné d’une femme à la carrure impressionnante. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je la vis enlacer Louisa et l’embrasser comme une amoureuse. Mon amie me sourit, un peu gênée de m’avoir caché ça aussi, mais je lui rendis son sourire, tellement heureuse pour elle.
Dans les jours qui suivirent, je compris rapidement à quel point le combat que nous menions à notre petite échelle nous dépassait complètement. Shanna, la chérie de Louisa, était colonelle dans l’armée irlandaise. Considérant officiellement comme “très préoccupante” les conditions féminines en France, l’Irlande fut le premier pays européen à refuser l’extradition vers la France. Nous fumes envoyées dans un village abandonné puis rénové pour l’occasion. Les conditions étaient assez sommaires et la terre trop ingrate pour que l’on puisse la cultiver, mais nous étions heureuses. D’autres réfugiées nous rejoignirent les semaines suivant l’annonce du gouvernement irlandais, qui créa de grandes tensions avec la France, et encore plus grandes avec les anglais, ravivant des blessures entre les deux peuples qui n’avaient jamais été vraiment refermées.
Angélique n’est pas restée bien longtemps inactive, et mon cœur se fend à chaque fois qu’elle quitte notre maison commune avec Louisa, Christine et Amélie. De notre village que nous avons baptisé “Tearmann an ghrà” (le refuge de l’amour) – à défaut de l’appeler “le refuge de la vulve” pour ne pas être trop provocantes --, nous organisons l’accueil des réfugiées dans tout le pays, en collaboration avec les autorités ainsi que les élus locaux. Louisa, elle, planifie les intrusions des militantes sur le territoire français pour des actions de plus en plus musclées, ainsi que l’extraction de militantes ou de simples femmes menacées par leur mari. Tout cela coordonnée avec l’armée de terre – et donc Shanna! – même s’il est hors de question qu’un seul membre de l’armée irlandaise participe à quelque action que ce soit sur le territoire français. Nous refusons même que les irlandaises elles-mêmes participent à ce genre d’action, de peur que la France n’en profite pour les capturer et négocier un échange.
Ainsi, tous les ressortissants irlandais ont été appelés à revenir au pays. Petit à petit, notre pays d’origine s’enfonce dans la colère et s’isole. Aujourd’hui, c’est cinq pays européens qui participent au refus d’extradition des femmes. Notre village, bien que réputé internationalement, maintenant, est resté secret. Personne ne sait vraiment où il se trouve en Irlande – pas même moi, en vérité --, et des rumeurs disent même que nous bougeons régulièrement.
Voilà deux ans maintenant que nous sommes arrivées ici, et si nous ne voyons toujours pas le bout du tunnel, nous croyons dur comme fer que les quelques enfants nés dans le village verront un jour leur pays d’origine. Deux ans que nous ne cessons de harceler les politiciens, les militants masculinistes et autres décideurs locaux, sans faire un seul blessé. Notre lutte est exemplaire parce qu’elle n’est pas dirigée par la haine ou n’importe quel ressentiment. Au contraire, ce qui nous anime, c’est l’amour. Celui que l’on partage dans le village de façon très libérée, celui que nous savons se propager à travers les réfugiées dans l’ensemble des pays les accueillant, celui qui fait de nous les vraies constructrices de l’histoire, celle que l’on écrira dans les livres, celle de la première révolution motivée par l’amour. Je ne dis pas qu’il n’existe aucune femme qui prend plaisir à en découdre avec les hommes, ce serait mentir. Certaines même essayent de nous pousser à plus de violence, à nous armer réellement. Mais pour quoi? Pour inverser les rôles et faire du matriarcat une pâle copie de leur patriarcat? Jusqu’ici, nous réussissons à modérer ces énergies négatives, mais cela ne pourra pas durer. Notre continent se divise sur la question des femmes. Il y a ceux qui ne changent rien, préfèrent continuer d’offrir des miettes aux femmes en leur montrant la France (“Voyez comme nous vous considérons par rapport à d’autres”), ceux qui prennent le parti de la France (plus nombreux, et dans lesquels nous savons qu’il y aura, dans un futur proche des rebelles plus promptes que nous à prendre les armes) et opèrent de terribles régressions sur les droits des femmes en expliquant que c’est de la faute à ces “féministes terroristes” que nous sommes, puis les quelques pays qui prennent le parti des femmes, sans s’opposer frontalement aux autres.
Aujourd’hui, Angélique revient de sa dernière intrusion en France. Comme bien souvent, elle me donne des nouvelles de ma famille, et même de mon ex-mari. Il n’y a que celui-ci qu’elle contacte directement, parce qu’il est devenu un contact important, une taupe dans le milieu des grands patrons de France qui font la pluie et le beau temps à l’Élysée, comme tout le monde sait. Il nous permet d’anticiper leurs réactions et de mener nos actions de façon plus précises, “là où ça fait mal”, comme dit Angélique. Je suis fière de lui. Cet amour-là s’est éteint, bien sûr, mais je suis rassurée qu’il soit resté l’homme intègre et libertaire (sans être anarchiste) dont j’étais tombée follement amoureuse.
J’accueille Angélique en ce mois d’Août, complètement nue, comme nous le sommes souvent lorsque le temps le permet. Les enfants qui sont ici ne sont pas encore assez grands pour en être choqués (le plus âgé a un an), et nous savons qu’à un moment, nous devrons nous décider sur ce point. Mais pour l’instant, je profite de cette liberté qui me serait interdite ailleurs, même dans la ville la plus proche, où nous n’allons de façon jamais.
Je l’accompagne jusqu’à la maison où elle dépose ses affaires et embrasse nos colocataires, puis nous partons, nues toutes les deux, maintenant, vers notre “Tearmann” à nous: à environ deux kilomètres, bercées par les vagues qui s’écrasent sur les falaises, nous nous aimons, encore et encore, au fond d’une petite grotte naturelle, notre grotte, notre refuge, celui où nous protégeons notre amour de ce monde de fous qui nous entoure.
Jusqu’à ce qu’il guérisse...