1. La présentation.

Cette nuit est sans lune. Les nuits préférées de cet homme qui scrute tranquillement l’obscurité des rues vides de ce bled paumé des Monts d’Arrée, où le monde semble avoir arrêté de tourner il y a bien longtemps déjà. Parfaitement le genre d’endroit où tout ce qui s’y passe y reste.
Et les habitants le savent. Les moins téméraires ont fui les lieux pour le week-end, d’autres – qui n’ont que le choix de rester – font les morts. Volets fermés, lumière éteinte. Et ce n’est pas uniquement parce que demain, on va entrer dans les mois noirs. Les gens du cru, bien avertis, savent bien que lors de cette soirée, des monstres sortent de leur repaire, aussi bien que certains esprits qui peuvent les protéger. Mais ils savent aussi que ce soir, rien ne les protègera.
Un seul bâtiment donne signe de vie : le bar du bourg. De l’intérieur résonne un boom-boom entêtant. Quelques éclats de voix se font entendre, une musique hurlant à l’ouverture de la porte, puis s’étouffant à nouveau une fois qu’on la referme. Les punks et toutes sortes d’énergumè­nes ont envahi les lieux. Et ils ont l’air bien décidés à ne pas laisser le coin dans l’état où ils l’ont trouvé.
L’homme apprécie ce moment de solitude et de calme. Il respire à pleins poumons. Enfin. Mais quelque chose dans son attitude, sa posture, et même dans sa sérénité, aurait fait dire à n’importe qui le voyant ainsi que le village allait connaître la vraie nature du Kala-Goañv.
D’une taille dépassant la moyenne, il a une peau lisse et blanche. Son regard semble briller dans le noir. Sous sa capuche, un reste de crête écrasée. Il fut sûrement un temps où le crâne était rasé autour, mais ce n’est plus le cas et la crête retombe sur son front large. Le rose de ses lèvres tranche avec sa peau, et la rondeur de son visage adoucit l’effet de sa carrure, imposante. Il n’a pas de larges épaules ou des pectoraux prêts à exploser, il n’a rien de l’image de l’haltérophile. Il est plutôt filiforme, mais on peut sentir qu’une grande puissance se cache sous sa veste en cuir, usée depuis déjà des années.
Pour rien au monde, pourtant, il ne l’aurait quittée, cette veste. Elle est comme une partie de son âme, si tant est que ce fut une chose pouvant lui être affublée. Il la porte toujours ouverte, quelque soit la saison. Dessous, un simple débardeur, noir comme ses cheveux. Son pantalon comporte différents trous, et est retroussé aux chevilles, ses jambes terminées par des Doc Martins qui semblent n’avoir jamais été lacées.
Il regarde le ciel, en s’allumant une cigarette. Les nuages cachent les étoiles, comme pour les empêcher d’aperce­voir ce qui allait bientôt se passer ici. Le rougeoiement de sa clope est, en dehors du vacarme sortant du bar, le seul signe de vie dans ces lieux bientôt maudits. Il repense à cette jeune fille, croisée un instant plus tôt. Elle avait voulu le rejoindre, embrasser sa condition et devenir sienne à jamais. Et il avait failli être tenté. Il grimace, se disant qu’avec l’âge, il devient romantique. Mais elle avait eu peur au dernier moment. Et il ne supporte pas ça. La peur donne un goût particulier à la peau, plutôt appréciable quand il s’apprête à tuer, mais pas autrement. D’un simple coup de langue, il peut la sentir, la boire, même. Et auprès de lui, la peur n’a pas sa place.
La petite inconsciente repose à présent à ses pieds, dans une position inédite, les membres désarticulés, la terreur se lisant encore dans ses yeux vides. À la place de son cou, il ne reste qu’un trou béant et ses cheveux dorés forment une roue au sol. Il baisse les yeux sur elle, y voyant un certain talent. Cette petite, il faut l’avouer, sait rester magnifique même dans la mort. Seul point noir au tableau, son pantalon tâché à l’entre-jambe. Elle s’était fait dessus quand elle avait compris qu’il n’avait aucune­ment l’intention de la garder près de lui.
Il écrase sa cigarette et sourit dans le noir, lèche sa lèvre inférieure pour y récupérer les dernières gouttes du liquide si précieux, et remet ses lunettes de soleil avant de se précipiter vers le bar.
« Oui, se dit-il, les mois noirs vont commencer dans un bain écarlate. »

 

2. La mise en jambe

Mille sensations l’envahissent quand il pousse la porte du bar bondé. D’abord le son, à son maximum. Sur la scène, Lou a déjà commencé son show. Et elle est en forme, apparemment, près de son acolyte aux cheveux décolorés, qui s’agite sur sa guitare, vérifiant l’écran d’ordinateur régulièrement. Le public n’a d’yeux que pour Lou, quand Proda est sur scène. Dans son mini-short en skaï et ses bottes courant le long de ses jambes sans fin, elle aguiche le public, le provoque.
Il faut dire que les simples bretelles de la même matière que son short qu’elle porte au-dessus de la ceinture aident énormément à enflammer le public. Ses petits seins arguent les premiers rangs, qui donnent de la voix avec elle, hurlant les phrases saccadées de ses chansons.
L’homme fait quelques pas dans cette foule, en direction du bar, et il marche déjà sur du verre brisé. L’air est empli de l’odeur de l’alcool, du tabac et de l’herbe. Mais son odorat repère des milliers d’autres odeurs, comme la sueur, si différente sur chaque personne, le sexe qui est présent partout jusque dans les paroles et la voix de Lou, et le sang... les hostilités auraient-elles déjà commencé sans lui ?
Alors qu’il avance dans la foule, il ne passe pas inaperçu. Et il aime ça. Tout le monde lui laisse le passage libre, comme si personne n’osait le toucher. Derrière ses lunettes, personne ne voit où se pose son regard, et pourtant tout le monde sait déjà qui il est, et que, puisqu’il est là, la fête peut vraiment commencer.
Attendu et redouté, les gens se taisent sur son passage. Tout le monde veut le voir à l’œuvre... mais de loin. Avec une mine pleine de dédain, il arrive au comptoir. Aussitôt, un verre de Bourbon y est posé, rempli à ras bord. Il le prend, sans un regard pour le barman, et s’accoude au zinc, tourné vers la scène.
Là-bas, caressant sa basse, Lou pose son regard sur lui. Aussitôt, ses gestes se font félins, montant encore d’un cran ou deux dans la provocation. Un regard averti tel que celui qui déguste son verre au comptoir remarquerait que les tétons de Lou se sont mis à pointer lorsque l’homme l’a regardée. Elle se met à crier ses phrases libidineuses dans son micro, comme si elle les susurrait à l’oreille de l’homme. Et l’odeur de sexe dans le bar gagne en puissance.
La foule commence à s’habituer à sa présence, et le vide autour de lui se réduit à vue d’œil. Assoiffés comme ils sont, les keupons seraient prêts à mourir pour une pinte de la pisse servie dans ce bar, qu’ils osent appeler bière. Il termine son verre d’un trait et le repose sur le comptoir. Aussitôt, sorti de nulle part, un serveur armé d’une bou­teille de Bourbon de premier choix le lui remplit sans un mot.
Lou s’excite sur scène. Entre deux morceaux, alors que Mat lance une intro endiablée à sa guitare, la boîte à rythmes l’aidant à ne pas perdre le tempo, elle se prépare une trace de coke sur l’ordinateur, parmi les câbles qui serpentent dans tous les sens. Avec eux, la scène ressemble au labo d’un savant fou, sans aucun ordre, si ce n’est celui de son esprit dérangé. Il fut un temps, l’espace de travail d’Einstein devait ressembler à ça. Elle relève la tête avec une moue proche de l’orgasme, et vient vers le micro, sans sa basse, cette fois. Comme si elle voulait rendre l’homme du bar jaloux, elle vient se frotter au premier rang. Des langues lèchent ses seins, des mains la caressent, alors que sa chanson est une insulte au genre humain.
Lorsqu’un type tente de glisser sa main dans son short, elle lui décoche un magnifique coup de boule, sans perdre de sa superbe. Elle relève la tête, et sa frange est teintée de sang. Le gars se roule par terre, tenant son nez sanguinolent dans ses mains. Dans son micro, Lou se met à rire, à la fois sensuelle et diabolique. Le gars au nez défoncé commence à se faire piétiner, et il tente de se traîner plus loin, recevant d’autres coups de gens qui ne le voient même pas.
Lou fixe l’homme au bar dans une posture de défi. Celui-ci a tous les sens en éveil, la lèvre supérieure retroussée. Sa langue vient caresser sa canine droite, qu’il a un peu plus longue que la moyenne et aiguisée. Il avale son Bourbon et se dirige droit sur le type au sol. Les keupons et autres déjantés du public n’ont pas le temps de le voir arriver. Mais ça ne l’empêche pas d’avancer. Ils volent dans tous les sens. De loin, on croirait Obélix dans une légion romaine.
Lorsque le blessé arrête de se faire piétiner, il est d’abord soulagé. Quelqu’un est enfin venu l’aider à se relever, et il va pouvoir sortir de là. Il retire les bras qui lui protégeaient le visage et lève son regard sur son sauveur. Toutes les bonnes choses ont une fin, dit-on. Le bonheur d’être sauvé n’échappe pas à la règle. Alors que l’homme lui sourit avec sympathie, une moue de terreur s’imprime sur le visage du jeune garçon. L’homme se penche et l’attrape par le col de son t-shirt.
Il n’y a plus que la boîte à rythmes qui fait résonner ses sons sortis d’un autre monde, lorsque le bonhomme se voit soulevé au-dessus des gens. Il peut voir l’excitation dans les yeux de chacun. Le “maître” va lancer les hostilités pour de bon, et ce n’est pas eux qu’il a choisi. Ils sont venus pour la musique, certes, mais aussi pour le frisson. Ceux qui auront la chance de rentrer chez eux s’en souviendront toute leur vie. Les autres...
D’un coup, l’homme jette sa tête dans le cou de sa victime. Ça ne dure pas longtemps. Le jeune homme malchanceux semble pris d’une crise d’épilepsie pendant quelques secondes. Puis plus rien. Sa tête retombe, ses bras relâchent le bras de l’homme, et ce dernier sort son visage du cou, en arrachant une bonne partie. Il recrache la chair par terre et balance le corps sans vie de ce qui sera le premier d’une longue série.
Lou semble au bord de l’extase. Mat reprend ses riffs avec encore plus d’enthousiasme. L’homme s’approche de Lou. Celle-ci lui lèche le visage ensanglanté, avant de l’embrasser en ondulant son corps contre le sien. Au bout d’un moment, l’homme la repose sur scène. Elle reprend son micro et enchaîne, le diable ayant semblé avoir pris possession de son corps. Lorsque l’homme quitte la foule pour se diriger dans les autres pièces du bar, la folie a monté d’un cran, chaque personne du public revigorée par le simple fait d’être encore en vie.

 

3. La révélation

Après un petit couloir dans lequel se trouve la porte des toilettes, grande ouverte, et où on peut distinctement voir les plus camés de la soirée s’envoyer des shoots dans le bras, tout en se faisant sucer ou brouter le minou, l’homme arrive dans une pièce sombre, où la musique résonne à plein pot dans les quatre enceintes qui sont là pour retransmettre les paroles de Lou.
De la même manière, les activités malsaines semblent être suspendues à son arrivée. Il y a là de nombreux corps nus, emboîtés les uns dans les autres. Rapidement, il remar­que que ce qui pénètre les corps n’est pas uniquement des verges. Plusieurs goules ont profité de ce rassemblement pour venir assouvir autant leur faim que leurs besoins charnels. Elles aussi prennent peur, deviennent méfiantes, lorsque l’homme entre dans la pièce. Par réflexe, elles serrent encore plus fort leurs proies dans leurs bras, pour signifier leur propriété. Il avait donc bien senti que le sang avait déjà coulé dans la soirée.
L’une d’elle, toutefois, se relève, laissant un corps mort au sol. Le sang de sa victime coulant sur son menton, dégoulinant sur ses seins dressés jusqu’à son pubis fourni, elle s’approche de l’homme et vient se coller à lui, douce et provocante :
— Mon cher Manu... Heureuse de te voir enfin arriver.
— J’ai été retenu par une blonde, plaisante-t-il de sa voix rocailleuse, entourant la goule d’un bras.
Cette dernière le renifle, la tête dans son torse, et se met à rire :
— Il semblerait que le festin ait commencé pour tout le monde !
— Une petite mise en bouche, lui répond-il. Cette journée ouvre mon appétit. Et je sens que je vais me payer un fabuleux dessert.
— Tu parles de lui ? demande-t-elle, avec un soupçon de crainte dans la voix.
— Oui. Il va venir... et je vais l’accueillir comme il se doit.
La goule reste un instant les yeux dans le vague. Non pas que l’idée d’un bain de sang soit ce qui fasse peur à ce genre de créature, mais parler de “lui” rappelait toujours l’héca­tombe que cela sous-entendait. Après un moment, elle prend la main de Manu et le tire vers le fond de la salle :
— Alors viens, tu auras besoin de forces. Je t’ai préparé de quoi te rassasier.
Allongées là, cinq femmes se caressent, se lèchent, se doigtent, sans même remarquer ceux qui les approchent. Les gémissements sont doux et sensuels, alors que les gestes sont saccadés et puissants. Une d’elles attire particulièrement l’attention du vampire. Elle est plus âgée que les autres, dans les 40 ans, peut-être un peu moins. Au premier reniflement, et au premier regard, il devine qu’elle n’a jamais enfanté. Bizarre, se dit-il. Ses seins ont gardé leur fermeté, ainsi que ses fesses. Les seuls détails qui trahissent son âge sont son ventre légèrement arrondi et les quelques rides sur son visage. Il sourit à la goule qui, avec précaution, commence à lui retirer ses vêtements.
— Et tu n’es pas au bout de tes surprises, lui chuchote-t-elle à l’oreille en massant son sexe pour le faire durcir.
Si un vampire à jeun ne peut avoir d’érection, il lui suffit d’une victime pour retrouver ce genre de capacité. Et l’érection que la goule réussit à lui donner ferait pâlir de honte le mieux membré des humains. Non pas que la taille du sexe soit démesurée, mais la puissance du membre d’un vampire se ressent à vue d’œil. Les veines saillantes, le gland gonflé. Chaque cellule de son chibre semble prête à imploser dans l’instant.
Il s’allonge au milieu des femmes qui lui laissent volontiers une place et l’accueillent avec chaleur. Elles ne le reconnaissent pas, dans la pénombre, et les deux plus jeunes se ruent sur ce sexe plein de promesses aussi douloureuses que délicieuses. Quatre mains et deux bouches se partagent le chibre, alors que les autres continuent de se faire du bien, tout en se frottant contre le corps puissant du vampire. Celui-ci en choisit une et la fait s’asseoir sur son visage. L’odeur de sa chatte est épicée, aux relents d’urine. Mais clairement, ce qui prédomine, c’est la cyprine, qui ne tarde pas à couler sur ses joues. Il fourre sa langue en elle, la plaquant contre lui fermement. Il sourit sous elle à l’idée que cette chatte est en train de faire connaissance avec une langue plus virulente que toutes les queues qui s’y sont enfoncées jusque là. Elle ne tarde pas à jouir, puissamment, le corps remué de spasmes violents. Et pour cause. En plus de sa langue, ses canines se sont enfoncées en elle. Il suce doucement, autant son clitoris que son sang, qui lui remplit la bouche par vagues. Il la repousse sur le côté, sans vie, alors qu’il remarque que les deux sur sa bite commencent à se disputer pour savoir laquelle montera dessus en première, se bousculant de l’épaule.
À côté de lui, les deux autres se doigtent énergique­ment. Et c’est la goule qui les sépare pour que l’une d’elles rejoigne Manu. La plus âgée reste sur le carreau, mais ne s’en fait pas pour autant. Ses propres doigts sauront la faire patienter. La bataille autour de sa queue commence à prendre de l’ampleur. Des cheveux sont tirés, des griffures rosissent les peaux. Il attrape celle qui vient vers lui et l’embrasse avec tendresse. Elle en profite pour passer une jambe de chaque côté de lui, et baisser sa croupe le long de sa verge en râlant de plaisir. Le bruit qu’elle fait retourne les deux autres contre elle. Alors qu’elle commence à se démener sur son membre, elles commencent à la fesser, l’insultant de tous les noms, qui, en voyant sa façon de bouger sur cette queue et en entendant les sons luxurieux qui sortent de sa bouche, lui vont à ravir.
Elles tentent bien de tirer sur ses cheveux pour l’enlever de là, mais le vampire la maintient en place, les mains sur ses hanches, et tout ce qu’elles réussissent à faire, c’est la cambrer encore plus, la faisant jouir instantanément. Manu reçoit une bonne giclée de cyprine sur le ventre et le torse. Les sensations de plaisir commencent à retrouver leur place dans son corps. Alors que la brune sur sa bite essaye de retrouver son souffle, il la penche sur lui et lui dévore le cou. Près de lui, il entend la quarantenaire exploser de plaisir sur ses doigts. Sans gicler, une bonne flaque de cyprine imbibe les draps sous elle.
Il jette sa deuxième victime sur l’autre, et voit la goule se jeter sur le tas qui commence à se former. Il sourit à l’idée que ces créatures sont les meilleures nettoyeuses qui existent. Bientôt, chaque mort de la pièce aura disparu entièrement.
Agacé par le jeu des jeunes au-dessus de sa queue, il finit par les attraper l’une et l’autre par la tignasse. Sûrement plus par empathie que par envie, il les place à quatre pattes, l’une à côté de l’autre. Puisqu’elles veulent sa queue, elles vont l’avoir. Celle de gauche, d’abord, se met à hurler de douleur quand il défonce son anus à grands coups de bite. Sa copine commence à perdre un peu l’envie, quand elle remarque que la première ne semble vraiment prendre aucun plaisir. Son visage est tordu par la douleur et ses cris couvrent presque la musique qui sort des enceintes. Elle tente bien de se défaire de la prise du vampire, mais en vain.
— Arrête !! Aaaaahhhh ! Putain, je saigne !!
Il la laisse tomber. Elle reste geindre sur les draps alors qu’il attire le visage de la deuxième vers sa pine. Il l’enfonce dans la bouche de celle-ci, malgré ses réticences. Un mélange de cyprine, de pisse, de sang et de merde l’envahit alors. Son corps est secoué par les nausées, mais il la baise tellement fort que chaque spasme n’arrive pas à son terme. C’est seulement lorsqu’il la retourne pour enfoncer son pieu dans sa chatte ayant perdu toute humidité qu’elle réussit à vomir, geignant et pleurant à la fois.
Devant ce spectacle, la rouquine de 40 ans a repris sa branlette de plus belle. En un rien de temps, les deux petites jeunes se font vider de leur sang et restent allongées l’une près de l’autre, telles deux marionnettes bonnes pour la benne à ordures.
Le vampire se relève et se tient debout face à la dernière encore en vie. Ses yeux brillent dans le noir, reflétant le Mal. Mais cette lueur n’est pas sans exciter la femme et elle vient, féline, embrasser le gland du vampire. Elle pose délicatement ses mains sur la verge puissante, suivant les veines du bout des doigts, avant de l’entourer sensuellement en suçotant son bout. Il plonge une main dans ses cheveux en gémissant, première fois qu’il semble donner un signe extérieur positif à la situation.
Encouragée, la rousse enfonce cette bite doucement dans sa bouche, jusqu’à la garde, glissant ses mains sur ses couilles. Elle commence à aller et venir, et avec le plaisir, le vampire semble se calmer d’autant, diminuant peu à peu la lueur de ses yeux.
De longues minutes passent ainsi, où la femme expérimentée monte en puissance avec parcimonie, usant de ses doigts fins sur la peau du vampire, sur ses couilles, son périnée, ou même en en insérant un dans son anus. Alors que la goule, rejointe par une autre, se met à dévorer le corps de celle qu’il a enculée jusqu’à la mort, il fait remonter sa dernière victime, debout, devant lui. Il lui caresse un sein, et elle semble défaillir à ce contact, lâchant un long râle... qui se termine en grimace, alors que, d’un coup d’ongle sur la peau, Manu lui fait couler quelques gouttes de sang.
— Voyons voir ça, alors... susurre-t-il.
Aussitôt, la goule qui lui avait préparé ce festin quitte son propre repas, laissant l’autre se délecter des restes des deux jeunes femmes. Elle vient près de lui, curieuse de voir sa réaction, un sourire aux lèvres qui refroidirait les plus téméraires des hommes. Le vampire glisse sa langue sur la plaie ouverte. La femme gémit de plaisir, bombant le torse pour lui offrir son sein pleinement. Elle sent la cyprine lui couler abondamment le long des cuisses.
Il relève la tête d’un coup. L’étonnement se lit sur son visage, qu’il tourne vers la goule qui s’est mise à ricaner comme une hyène.
— C’est pas n’importe quelle sorcière, hein ? lui fait-elle.
— C’est sa descendante...
— Oui ! Hihi !
Il se tourne vers la rouquine. Son sourire est sans équivoque. Elle le sait. Elle le sait et elle s’est présentée à lui. Avant qu’il commence à échafauder des explications, la voix de la goule, devenue criarde par l’excitation, l’interrompt :
— Goûte encore ! Tu n’as pas tout vu !
Aussitôt, il se jette sur le sein de la sorcière et y plante ses crocs. Il relève la tête bien avant qu’elle ne meure, la laissant tout juste un peu diminuée.
— Elle n’est pas morte... souffle-t-il. Elle t’a mordue elle aussi...
— Elle s’est servie de moi pour reprendre des forces, lui répond la rouquine en lui caressant le visage. Et tu dois le faire à ton tour. Tu sais que le sang de sorcière est plus puissant que les autres, même si avec le manque de pratique à travers les siècles, mon sang l’est bien moins que ne l’était le sien...
Riant de plus belle, la goule tranche le torse du vampire, une dague ayant fait son apparition dans sa main :
— Ce serait dommage de la tuer complètement !
Mais déjà, la sorcière, le visage collé à son pectoral, aspire le sang du vampire, avant que la plaie ne se referme. Elle se recule d’un pas, ouvrant les bras comme s’ils allaient s’embrasser.
— Tue-moi, à présent...
Même la goule a du mal à voir les mouvements du vampire quand il se jette sur le cou de la sorcière, tellement il est rapide. La seconde d’après, elle tombe au sol, allongée dans les draps. Alors que les autres goules semblent vouloir leur part de sorcière, l’amie de Manu se place près d’elle, intimant aux autres créatures de ne pas approcher.
Pendant ce temps, un œil non averti croirait que le vampire est en train de jouir. Mais ça n’est pas le cas. Ses yeux éclairent la pièce, son torse se bombe vers le plafond et ses pieds décollent légèrement du sol. Ça ne dure pas longtemps, mais lorsqu’il reprend une posture plus humaine, son sourire est diabolique, au point que les goules ne tentent plus d’approcher d’eux.
Le vampire retrousse ses lèvres, découvrant ses canines scintillantes. Et d’une voix profonde, qui semble sortir du sol, couvrant le son de la musique et se faisant entendre à des centaines de mètres autour du bar, il déclare :
— Que la fête commence !

 


4. Le pogo infernal

Lorsque Manu revient vers la scène et le comptoir, Proda a terminé son set. La scène s’est vidée et un type s’active à tout ranger. Le bar est pris d’assaut par la faune, les serveurs et serveuses sont complètement débordés, recevant des insultes et des coups, pour que les assoiffés soient servis plus vite.
Le vampire contourne la foule pour aller pousser une porte où est attaché un panneau Private. La porte s’ouvre directement sur une cuisine, et lorsqu’elle se referme, les bruits du bar sont étouffés. La pièce sent l’herbe à plein nez, ainsi que l’alcool fort. Une dizaine de personnes est là, et pour l’une des premières fois depuis son arrivée dans ce lieu, le vampire sourit vraiment de plaisir.
Avec les personnes présentes, il peut quitter un instant son statut de créature des ténèbres, crainte et adulée. Il s’assied à la table en saluant ceux qu’il n’a pas vus et un homme lui sert un Bourbon :
— La soirée s’annonce bien, lui dit celui-ci. Les gens sont déchaînés... Tu sais vraiment y faire !
— La soirée s’annonce formidable, en effet, répond le vampire en avalant la moitié du verre servi.
Lou arrive derrière lui et lui relève la tête pour l’embras­ser langoureusement, avant de retourner sur le canapé, en compagnie de Joe, le guitariste du groupe qui allait se produire ensuite sur scène, celui de Manu. Celui-ci perd son sourire, après l’avoir regardée tortiller du cul.
— En cas de besoin, vous vous tirerez d’ici à mon signal... tous.
Tout le monde s’arrête alors. Derrière la porte, les cris et les rires se font entendre un peu mieux, tranchant avec l’ambiance de la cuisine. Tous les regards se posent sur lui, à la fois inquiets et pendus à ses lèvres, jusqu’à ce que Lou finisse par comprendre :
— Il va venir ce soir ?
— Oui, répond simplement le vampire, avant de ter­miner son verre. Tu n’as pas remarqué ? Je suis le seul vam­pire. Seules ces stupides goules ont été attirées jusqu’ici. Les vampires le savent... ou ne veulent juste pas prendre le risque.
Il se verse du Bourbon dans son verre, jusqu’à ras-bord, alors que chacun accuse le coup intérieurement. Finalement, c’est encore Lou qui brise le silence qui s’est installé, s’adressant à Joe tout en faisant glisser son short :
— Alors profitons de la soirée tant qu’il n’est pas arrivé !
Grimpant debout sur le canapé, elle colle sa chatte au visage de Joe, attrapant une poignée de cheveux du gars pour s’y frotter avec vulgarité, mouillant déjà à l’idée de voir Manu faire un carnage... car elle ne compte pas vraiment quitter les lieux, pour sa part. Prendre ses distances, oui. Mais pour rien au monde elle ne voudrait rater le combat du siècle qui s’annonce !
Ses gémissements réussissent à sortir les autres de leur torpeur, à commencer par Joe, qui se met à la brouter avec envie, pendant que les discussions reprennent autour de la table :
— Tu comptes en finir ce soir ? La dernière fois... commence Mat, hésitant.
— Disons que j’ai fait une belle rencontre, dans la petite salle... lui répond le vampire avec un large sourire, dévoilant ses canines.
— Ahah ! s’exclame Tanguy, autre membre du groupe de Manu. Tu seras bien le seul à ressortir debout de cette salle, ce soir, avec ces goules !
— En fait, pas vraiment, lui répond Manu... Il y avait une sorcière, là-dedans. Autant vous dire que j’aurai plus de chances de mon côté, cette fois, contre lui.
Tanguy, qui a une fine connaissance des vampires, réalise alors ce que veut dire Manu. En plus du festin de la soirée qui lui donnerait des forces incroyables, même pour un vampire, boire le sang d’une sorcière l’a rendu sûrement quelque chose proche d’invincible. L’excitation se lit sur son visage, à cette annonce. Derrière le vampire, Lou se met à jouir sur le visage de Joe, qui, aussitôt, se lève du canapé et descend son pantalon pour la prendre en levrette. Le reste de la discussion se fait alors parmi les gémissements du couple.
— Mais c’est pas tout, continue Manu. J’ai aussi une grande motivation, pour ce soir. Et il sera bien surpris quand je lui dirai ! Je vais l’écraser comme la sous-merde qu’il est...
— Comment ça ? lui demande Julie, batteuse du groupe, qui semble seulement se réveiller, mais tout le monde sait que c’est à peu près son état normal, jusqu’à ce qu’elle se retrouve derrière ses toms.
— Cette sorcière, glisse le vampire avec un sourire en coin. C’est une descendante d’Haella... La plus puissante sorcière que j’ai jamais connue... et... enfin, vous connais­sez l’histoire.
Tous les autres hochent la tête, connaissant parfaite­ment la façon dont Manu avait perdu sa compagne de plusieurs siècles. D’habitude, ils savaient qu’à cette date, l’évocation d’Haella était taboue, s’ils voulaient rester en vie... ou entier, déjà. D’où l’étonnement qu’ils montrent quand c’est Manu lui-même qui en parle.
— Et le mieux ! s’exclame-t-il en cognant son verre vide sur la table. Le mieux ! Ce sera quand je dirai à cet enculé d’Amon qu’Haella est toujours de ce monde ! Ah ! Ah !
Julie manque de s’étouffer avec sa bière, et toutes les mâchoires inférieures tombent sous le choc de l’annonce. Même le couple derrière s’arrête net et se lève pour venir écouter la fin, n’y croyant encore qu’à moitié, se demandant si le vampire n’est pas entré dans une période de déni.
— Cette sorcière... son sang avait le goût d’Haella... elle l’a mordue, et pas qu’une fois !
Tanguy sait alors très bien que si Manu a pu sentir Haella dans le sang de cette sorcière, c’est que la vampire l’a mordue tout récemment. Tous se tournent vers lui, incrédules. Un simple hochement de tête de sa part, et l’assemblée explose de joie.
— Et elle est comment ? Elle va te rejoindre ce soir ? lui demande Lou, l’entre-cuisse encore reluisant.
— Heu... répond Manu, penaud. Je sais pas, j’ai tué la sorcière avant de lui poser la question !
— T’es vraiment trop con, parfois, lui balance la chan­teuse en lui administrant une gifle sur l’arrière du crâne.
Elle a beau y être allée de bon cœur, le vampire ne cille pas, semblant pris d’une réflexion intense.
— Faut pas qu’elle vienne, finit-il par dire de sa voix rocailleuse.
À ce moment, le patron du bar ouvre la porte de la cuisine. Le bruit interrompt la conversation et tous se retournent vers lui pour l’entendre hurler :
— Va falloir monter sur scène, si vous voulez qu’il y ait encore des murs pour jouer !
Le pauvre gars, sentant déjà qu’il s’agit peut-être là de la dernière soirée de l’établissement, est en pleine panique, et les rires de l’équipe en cuisine qui suivent sa phrase n’est pas pour le rassurer. Mais les cinq membres de No Death For You se lèvent, revigorés autant par la nouvelle que vient de leur annoncer Manu que par l’ambiance destructrice de la salle du bar.
Même si aucun d’eux n’a connu Haella, ils savent tous les sentiments que le vampire avait pour elle... et a toujours. Tanguy avait expliqué à la troupe, un jour où Manu avait sombré dans le sommeil sans rêve des vam­pires, que ce genre de sentiment était extrêmement rare pour ces créatures, et qu’une fois ressenti, cette émotion ne les quittait plus, même s’ils devaient encore vivre plusieurs siècles, voire des millénaires.
Lorsque le groupe pousse la porte de la cuisine, Manu en tête, l’information semble courir dans la salle à la vitesse grand V. Le comptoir est alors submergé par ceux et celles qui veulent leur dernier verre avant que le concert ne commence. Les serveurs sont complètement débordés, et les clients se servent eux-mêmes à la tireuse à bière, dans les bouteilles qui traînent par là, malgré les cris du patron.
Une fois sur scène, chacun s’installe à son instrument, calmement. Manu à la gratte et au chant, au milieu. À sa gauche, Joe, à la deuxième guitare, à sa droite Tanguy à la basse. Derrière eux, Julie va se cacher derrière sa batterie, et Seb aux platines, un peu en hauteur.
— Crevez, bande de charognards !
La voix de Manu, plus rocailleuse que jamais, retentit dans les enceintes du bar, comme le départ d’un voyage vers l’enfer. Aussitôt, les premiers riffs de Joe réveillent tout le monde. Énergiques à souhait, ils rameutent les keupons qui se lancent dans le pogo instantanément. Alors que dans l’ordre, Seb, Julie, puis Tanguy le rejoignent pour une intro teintée de désespoir et de violence, la foule devient un simple amas de corps emmêlés.
Puis, dans une langue que personne n’est capable de comprendre à part les créatures qui n’ont pas quitté l’arrière-salle du bar, Manu harangue le public a capella. Sa voix sent bon les siècles de tabac et d’alcool fort. Le pogo ne se calme qu’un peu, passant du chaos total à la bousculade animale. Les verres volent, au loin, le bar est définitivement pris d’assaut par les clients, et les serveurs autant que le patron ont pris la fuite dans la cuisine, ce qui fait décocher un sourire en coin au chanteur.
Les morceaux suivants rendent le public complète­ment hystérique. À la violence du rock offert par le groupe se rajoute les sons stridents, entêtants, presque envoûtants, du DJ qui finit d’exciter des esprits perchés à cent mille. Le pogo piétine une partie du public qui n’a pas eu la chance de rester debout. Certains corps volent, alors qu’ils s’approchent un peu trop du pied du vampire, qui les renvoie aussi vite au milieu de la mêlée.
Alors que la folie bat son plein dans le bar, les keupons et keupones dansent nus sur le comptoir, buvant la bière à même le bec de pression. Dans la mêlée aux pieds du groupe déchaîné – même pour eux –, les spectateurs semblent plus occupés par leur propre survie que par le concert. C’est le moment que choisit Lou pour rejoindre le groupe sur scène, accompagnée de Mat et du reste de leurs amis qui attendaient jusque là dans la cuisine.
Sans vraiment marquer un arrêt, les riffs et rythmes des musiciens diminuent. Manu et les autres se placent sur le côté de la scène, alors que les 5 se déshabillent en haranguant le public, qui cesse complètement de bouger. Le son devient entêtant, hypnotisant. Comme sorti d’outre tombe, le vampire susurre des mots allemands au micro, attisant les sens des spectateurs qui ne tardent pas à suivre le mouvement entamé sur scène. Trois femmes et deux gars commencent à s’embrasser et se caresser au milieu du groupe, calant leurs gestes sur les rythmes des musiciens, comme si c’était à eux qu’ils faisaient l’amour. Les seins se gonflent rapidement, les queues aussi. Avec un plaisir non dissimulé, Manu observe la salle où se prépare une orgie géante, à laquelle viennent participer les goules d’arrière-salle, excepté celle qui surveille la future vampire.
Alors que déjà, les goules font leurs premières victimes dans l’assistance, les sens de Manu s’hérissent. D’un signe de tête à Joe, celui-ci comprend qu’il doit reprendre la partie du vampire, qui peut déposer sa guitare. Le visage des dépravés sur scène se crispent un instant, alors que le vampire traverse la foule en vidant de leur sang quelques fous qui s’approchent un peu trop de lui. Les goules se font un plaisir de nettoyer après lui... puis quittent les lieux.

 

5. La confrontation

Dans cette nuit sans lune du 31 Octobre, Manu le vampire se dirige vers le cimetière du village à grands pas. Sans même la toucher, il pousse la grille qui grince sur son passage. Un simple coup d’œil alentour lui fait découvrir celui qu’il cherche.
Perché sur un crucifix qui surplombe un caveau fami­lial, Amon tire sur son cigare, sa tête toujours flanquée de son chapeau de cowboy. La carrure de l’homme est tout simplement inhumaine. Et si Manu s’était fait surprendre par sa vitesse la première fois, pensant qu’une telle carrure devait forcément le ralentir, il s’est préparé depuis longtemps à cette revanche.
— Tu as vieilli, lui dit le vampire de sa voix rocail­leuse.
— Même sur nous, chasseurs de créatures maléfiques, le temps fait son œuvre, lui répond l’autre en descendant de son perchoir.
Toujours la même veste longue en cuir. Lorsqu’il saute de son perchoir, sa veste lui fait comme deux ailes. Il retombe sans un bruit sur le gravillon et continue de sa douce voix qui tranche tant avec son physique, jetant son cigare sur une tombe près de lui :
— Toi aussi, Manu, tu as vieilli, même si ça ne se voit pas. Mille ans aujourd’hui... N’est-ce pas là un bel âge pour mourir ?
— Je suis touché que tu te souviennes de mon anni­versaire, lui lance le vampire avec un ton qui indique le contraire.
— Tu sais exactement ce que je suis venu chercher, Manu... et pourquoi j’ai attendu aujourd’hui. Ton cœur... me rendra immortel.
— Ahahah ! C’est l’immortalité que tu veux, Amon ? Je te l’offre, si tu veux...
Les traits du vampire se tirent sur cette phrase. Son visage se déforme, ses lèvres se retroussent, alors que tous ses muscles se tendent, prêt à en découdre.
— Alors, viens la chercher... rajoute-t-il.
La seconde suivante, Amon dégaine son fusil et le vise en plein visage. Pour un vampire, les balles sont d’une lenteur décevante et il esquive les plombs avec facilité. Mais il sait que son adversaire ne s’en sert que pour diversion. Il reçoit aussitôt un coup dans le dos qui le projette contre le tombeau où était perché Amon quelques secondes auparavant. Lorsqu’il se retourne, les deux hommes se jaugent en silence. Amon a encore gagné en vitesse et en force. Il va lui falloir puiser dans toutes ses forces pour le détruire. Le vampire le sait, et il s’en réjouit presque. Le sang de sorcière lui sera sûrement d’un grand secours.
De son côté, Amon semble serein. Il a passé ces dernières décennies à préparer ce combat, lui aussi. Les hommes comme lui s’entraînent depuis leur plus tendre enfance, et seuls quelques uns atteignent le statut de chasseur. Lui est le meilleur d’entre eux. Chaque chasseur dévore le cœur de sa proie, lui donnant force et une vie rallongée. À n’en pas douter, Amon a, durant ces nombreuses années, dévoré un nombre incroyable de cœurs de vampires.
Bientôt, les deux hommes se ruent l’un sur l’autre. Chaque coup porté qui atteindrait sa cible pourrait réduire en bouillie un crâne humain. Mais chacun évite avec une telle facilité les coups de l’autre, qu’ils finissent par se séparer :
— Fini l’échauffement, déclare le vampire. Tu vas comprendre que tu n’es rien face à moi.
Pour seule réponse, Amon laisse tomber sa veste à ses pieds et dégaine son sabre, celui-là même qui était censé avoir eu raison d’Haella. C’est avec un large sourire qu’il prend la position, s’apprêtant à recevoir son adversaire.
— Tu t’en souviens, n’est-ce pas ? Je lui ai donné son nom... Haella... la tueuse de vampires.
Dans un sifflement strident, Manu se jette sur lui, avec la rage qu’il a accumulée depuis toutes ces années. Et si le chasseur s’était attendu à ce genre de réaction, il ne peut faire autre chose que reculer pour éviter les coups, sautant de tombe en tombe. Les coups pleuvent sur lui, avec une rapidité à laquelle il n’a pas vraiment pu se préparer, car aucune créature autre que Manu ne peut l’atteindre. Vaille que vaille, il repousse les assauts meurtriers du vampire, évitant les poings, les griffes, les pieds, les coups de dents près de sa peau. Il réussit même à contrer de temps en temps, lacérant la peau du vampire. Mais ces simples effleurements se referment aussitôt, ne laissant même pas s’échapper une goutte de sang.
Ses mains deviennent moites sous l’effort, et son assu­rance semble s’émietter à chaque pas en arrière. Jusqu’au moment où son pied glisse sur une pierre. Trois fois rien. Mille fois rien. Mais à cette vitesse, ça ne par­donne pas. Il reçoit le pied du vampire en plein visage. D’abord le bruit du nez qui se brise, la douleur qui remonte jusqu’au cerveau... puis l’expulsion. Sous lui, le cimetière s’efface. Il a même le temps de se secouer la tête pour reprendre ses esprits, avant de le sentir dans son dos : le granit, froid et solide. Puis enfin, la glissade jusqu’au sol.
Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait plus vécu ce genre d’expérience. Et lorsqu’il se relève, peinant à se redresser, le visage en sang, la rage du désespoir, celle qui avait fait qu’il était sorti vivant des années d’entraînement, avant de devenir chasseur, celle qui l’avait poussé à tuer de ses mains ses camarades les plus faibles... cette rage refait surface, violente, brûlante, consumante, comme dans ses souvenirs.
Ce n’est donc pas sans un léger étonnement que Manu se voit bloquer son coup, lorsque qu’il quitte son état vaporeux pour réapparaître juste devant le tueur de vampires. Cette lame est vraiment incroyable, et la force de l’homme impressionnante. Un instant, ils tentent chacun de repousser l’autre, sans succès. Les visages se rapprochant, déformés par l’effort, Manu étire sa langue, qui prend des proportions dignes de l’image qu’on peut se faire d’un dragon, et vient lécher le sang sur le visage d’Amon. Celui-ci recule alors de lui-même. Jamais un vampire n’a fait ça, jamais il n’a laissé une de ces créatures approcher la moindre goutte de son sang.
Manu se met à rire à gorge déployée, alors que la rage d’Amon semble monter encore d’un bon cran ou deux.
— Ahahahah ! Mon pauvre petit Amon chéri... Quand je pense que tu vas mourir en sachant que tu n’es pas le chasseur que tu as toujours rêvé d’être !
— Tais-toi ! Saloperie de créature du Mal ! Je vais t’étriper comme les milliers d’autres avant toi... dont ta petite chérie Haella !
— Haella ? Ah ! Parlons-en ! Finalement, je ne t’en veux plus ! C’est de l’histoire ancienne... Tournons cette page, veux-tu ? La rancœur, c’est pas bon... surtout si près de la mort...
Amon ne semble pas comprendre. Cela ne correspond pas du tout à l’image qu’il s’est faite de leur affrontement. Ils devaient lutter de toute leur rage, chacun de leur côté. Mais le vampire ne semble pas attristé de la mort de son seul et unique amour éternel. Quelque chose ne va pas. Ce n’était pas prévu. Manu était censé être marqué pour l’éternité du lien qu’ils avaient... alors pourquoi il n’est pas en train de vouloir se venger ?
— Tu te moques de moi, là, Manu ? lui lance-t-il en essayant de cacher sa confusion. Toi ? Tu m’en veux plus d’avoir tué Haella ? À d’autres...
— Oh, mais... Comment pourrais-je t’en vouloir, Amon ?
Le vampire penche la tête sur le côté, un sourire en coin, qui s’étire jusqu’à la moitié de sa joue, dévoilant l’une de ses canines acérées :
— Puisque tu ne l’as pas tuée...
— Ahahah ! Tu es en plein déni, Manu ! Mais tu verras, c’est une étape normale du deuil... ça a juste l’air de prendre plus de temps chez toi !
Mais le chasseur est déboussolé. Qu’est-ce que le vam­pire cherche ? À le déstabiliser ? Il n’y arrivera pas de cette manière, et Manu devrait bien le savoir. Il y a forcément une finalité à son petit jeu, sans que le chasseur arrive encore à la voir.
— Pour les vampires qui ont en eux ce que j’ai, Amon, le deuil leur est interdit, et tu le sais. Tu as bien failli tuer Haella... moi-même je l’ai cru ! Oh ! Je te rassure ! Ça n’enlève rien à ta performance de ce jour-là ! Un sacré combat ! Tu m’aurais peut-être même bien eu, si elle ne s’était pas jetée sur ta lame ! Mais bon, que veux-tu ? Le destin ! Je suis fait pour durer, pas toi... Chacun sa croix, hein !
— Ma lame a transpercé son cœur ! lui crache l’autre, ne réussissant plus à cacher le doute qui s’immisce en lui. Si tu ne t’étais pas enfui comme un lâche avec elle, j’aurais bouffé son putain de cœur de putain de vampire !
— Oui, mais je l’ai prise avec moi, et me suis endormi au petit jour en ayant tout fait pour qu’elle ne parte pas. À mon réveil, pourtant, elle n’était plus là, pfffiiouuuuu... même pas un tas de cendre, rien... Jusqu’à ce soir, Amon. Oh, oh, oh ! Tu vas pas aimer la suite !
— Te fous pas de ma gueule, enculé de mort-vivant !
Amon se jette sur Manu, qui, en riant à gorge déployée, évite les coups du chasseur. Tellement déstabilisé par cette nouvelle, le chasseur ne fait que jeter son épée en direction du vampire sans aucune réelle intention de le toucher. C’est dans l’estomac, cette fois, que le poing de Manu s’enfonce, lui coupant le souffle, lui révulsant les yeux, avant d’être à nouveau éjecté contre le mur d’une maison.
— Le pire, Amon... c’est que je me fous même pas de ta gueule. J’ai croisé une descendante d’Haella, ce soir. Tu sais qu’Haella était sorcière, de son vivant, non ? Et tu sais aussi combien on aime ce sang, nous... Donc... je croise cette descendante de sorcière, et je la vide de son sang... mon boulot, quoi. Et putain, tu devineras jamais le goût de qui il avait, ce sang !
Amon ne répond rien. Il a juste pris le temps de se rele­ver, doucement, tout en l’écoutant. Un chasseur de vampire n’est pas le premier humain venu, et leur entraînement est tout aussi physique que mental. Il a donc largement eu le temps d’intégrer l’information, et de la digérer.
— OK, Haella est toujours de ce monde, dit-il en souriant. Ça va me faire un bon festin, ce soir...
Manu sourit de plus belle. Il n’en attendait pas moins d’Amon. Le combat va enfin pouvoir vraiment commen­cer. Les voilà à égalité au niveau mental. Ils ont tous les deux quelque chose à perdre. Amon, la vie éternelle (et la vie tout court), Manu de revoir celle qu’il aime.
Et il n’y aura plus un mot entre eux. Le combat devient complètement enragé, mêlé de cris, d’os qui craquent, de chairs entaillées, de pierres qui s’effondrent ou menacent de le faire, de fenêtres qui volent en éclat.
Au fur et à mesure du combat, Amon ne semble pas s’affaiblir. La fatigue n’a pas prise sur lui comme chez les autres humains. Mais Manu, lui, gagne en puissance. Son apparence se modifie petit à petit. Sa peau se grise, ses cheveux tombent par mèches, ses lèvres se rabougrissent, son dos se voûte, ses ongles s’allongent. Mais sa force augmente, à chaque minute imperceptiblement.
Ce n’est pourtant pas pour inquiéter Amon, qui a vu de nombreuses fois des vampires sous leur forme originelle. Il sait exactement ce que ça veut dire : Manu est poussé dans ses derniers retranchements. Il doit encore tenir. Plus il reprend cette forme, moins il pensera raisonnablement, misant de plus en plus sur sa force. S’ils évitent chacun beaucoup des coups qui pleuvent de part et d’autre, ils en reçoivent aussi une multitude, qui les dévisagent com­plètement, surtout le chasseur qui ne guérit pas instan­tanément, comme le vampire. Il lui faudra plu­sieurs jours, pour son nez, par exemple.
Le village devient rapidement la scène d’un combat légendaire. Pourtant, même ceux dans la salle du bar n’en sauront rien, ou presque. Ils ne sont pourtant pas en reste d’action. Alors que les deux hommes se battent à l’exté­rieur, la nouvelle vampire refait surface. Et comme tant d’autres avant elle, ce réveil est douloureux, insupportable. Il faut qu’elle se nourrisse. Elle n’a qu’un regard distrait pour les gens qui copulent sur scène. Lou claque les culs des deux autres qui se démènent comme deux diablesses sur les bites tendues des deux hommes. Dans le public, c’est pareil. Presque tout le monde est à poil, des verges tendues, des vagins dégoulinants de cyprine, des anus dilatés, autant féminins que masculins. Les corps qui se cognaient tout à l’heure en un pogo ravageur ne sont plus qu’une masse de chairs s’emboîtant les unes dans les autres, sans distinction de sexe, mus uniquement par le plaisir et la jouissance. L’odeur de foutre et de cyprine dépasse celle de l’alcool et de sueur. La jeune vampire se jette dans la mêlée. Plantant ses crocs dans un cou mou, sentant la vie la remplir à mesure que celle de l’homme diminue, des mains tirent sur ses vêtements, jusqu’à les déchirer. Lorsque l’homme tombe à ses pieds après avoir giclé dans celle qu’il prenait violemment en levrette, elle s’arrête un instant, baissant les yeux sur son propre corps. Un ventre parfaitement plat, des seins qui ont retrouvé leur consistance de leurs 20 ans, des fesses fermes comme elle n’a jamais eu... elle sourit de plaisir, et se laisse aller aux doigts qui se fourrent déjà en elle, attrapant une femme qui tentait de se rendre au bar et la vidant de son sang avec une rapidité qui la surprend.
Il lui faut un temps avant de bien s’habituer à ses nouvelles capacités sensorielles, surtout avec cette musi­que qui semble faite pour pénétrer les corps, caressant les âmes jusqu’à les amadouer. Mais elle finit par le sentir, le sol en tremble, comme si la Terre elle-même redoutait l’issue de ce combat qui se joue à l’extérieur.
Et c’est à ce moment-là que les portes du bar volent en éclat. Une masse sanguinolente atterrit sur le comptoir, faisant voler les danseurs et danseuses qui n’avaient de toute façon plus beaucoup d’équilibre à revendre. Le temps semble s’arrêter un instant. Les musiciens restent bloqués dans leurs gestes quelques secondes, et seuls les sons du DJ continuent de résonner, insouciants. L’ensemble de la salle se bouche les oreilles en entendant hurler, dehors, une créature venant d’outre-tombe. Son cri, plus proche du sifflement, monte dans les aigus d’une façon insupportable.
Une bête innommable fait alors son apparition dans le bar. La peau grise et rabougrie, les canines saillantes, autant que chaque muscle, des mains disproportionnées terminées par des griffes énormes, son regard entièrement noir se pose sur l’assemblée. Mais rapidement, c’est le tas de chair qui attire son attention. La poitrine d’Amon se soulève par à-coups, déversant des flots de sang sur le zinc du bar.
Le temps de s’approcher du chasseur, Manu reprend forme humaine, dévoilant un corps nu à toute la salle. La transformation n’est pas sans effet répulsif chez certains et certaines, qui régurgitent le trop plein d’alcool à leurs pieds, à la vue des cheveux qui poussent, des plis de peau qui se lissent, ou des griffes qui rentrent dans les doigts du vampire. Le DJ coupe le son dans un sursaut de lucidité, comprenant que la fête est suspendue pour un moment.
Manu attrape son adversaire agonisant par la tignasse, avant de le soulever sans peine, malgré la carrure du bonhomme :
— Voici l’enculé qui a cru trucider ma Haella ! Et qui s’est cru plus fort que moi !
Il le jette par terre avec violence. Amon n’est plus qu’un jouet pour le vampire, il rebondit sur le sol, sans même que le bruit d’os se fasse entendre, tellement il a été malaxé dans tous les sens à l’extérieur. Au milieu de la foule, Amon ne meurt pas, pas tout de suite. Sa résistance de chasseur sera pour lui une souffrance insupportable. Manu s’avance dans la foule qui forme un rond autour d’eux. Personne n’ose broncher, tous sont terrifiés, à part les amis de Manu, sur scène, qui semblent dans une joie sans nom, bien qu’encore silencieuse.
— Cette pourriture a dévoré un nombre incalculables de cœurs de vampires, pour atteindre cette force et l’im­mortalité ! Alors qui est la créature infernale ? hurle-t-il en assénant de nombreux coups de pied dans le tas mou à ses pieds.
Personne n’ose répondre. La furie qui sort de son regard et de ses mots fait craindre à tout le monde, même ses amis, de finir en charpie s’ils ouvrent la bouche. Voyant l’état de terreur dans lequel il les met, Manu préfère traîner sa victime jusqu’à l’arrière-salle, laissant une traînée de sang derrière eux.

 

6. Les retrouvailles

L’arrière-salle est totalement vide, quand il arrive, à l’exception des goules qui sont prises entre crainte et gourmandise, en voyant le corps démantelé que traîne le vampire. Va-t-il le leur offrir ? Elles s’en lèchent déjà les babines, mais restent bien dans le fond de la salle. Derrière lui apparaît la nouvelle vampire, rajeunie de 20 ans, complètement nue, le sang dégoulinant de sa bouche sur son menton et ses seins fermes, accompagnée de la goule qui l’avait repérée et ramenée en ce lieu.
Le corps d’Amon se retrouve aux pieds des goules. Chacune de ses expirations forme une bulle de sang sur ses lèvres :
— Amusez-vous avec lui, mais gardez-le en vie, ou vous regretterez de ne pas être mortes pour de bon il y a bien longtemps.
Il ne reçoit qu’un sifflement mécontent en guise de réponse, mais elles se jettent sur le chasseur qui ne peut même plus exprimer quelque plainte que ce soit. Seul son regard montre sa terreur. Ces créatures savent aussi bien engloutir un corps humain en quelques secondes, que de le déguster sur plusieurs jours, de façon à ce que leur victime reste consciente jusqu’au dernier moment.
— Bienvenue parmi nous, dit enfin Manu à sa créa­tion en tournant le dos aux goules, alors que la musique reprend de plus belle dans le bar.
— C’était donc lui... souffle-t-elle.
— Oui... mais ne t’y trompe pas. Il m’a donné beau­coup de fil à retordre. Même moi, je ne le savais pas, mais un vampire millénaire guérit à une vitesse incroyable ! Ton sang y est peut-être pour beaucoup, aussi. Quoi qu’il en soit, il a eu beau m’enfoncer le visage dans la pierre, me percer de sa lame, et me briser de nombreux os... l’instant d’après, j’étais comme neuf ! Il a fini par perdre espoir, mais il était d’une puissance...
La sorcière vampirisée pose ses yeux verts sur le vam­pire, soufflée par ce qu’elle entend :
— Tu veux dire... que... en plus d’immortel, tu es invincible ?
— C’est à peu près ça, lui répond-il avec un sourire en coin, les yeux se mettant à briller de mille feux avant de s’éteindre. J’ai un concert à terminer... régale-toi encore un peu, si tu veux, et va chercher Haella... Il me tarde de la retrouver !
La rouquine lui sourit malicieusement, alors que le vampire retourne dans le bar, laissant la goule surveiller les autres, afin que ces ordres soient suivis à la lettre, au cas où les menaces n’auraient pas suffi.
Lorsqu’il revient dans la salle, où tout le monde danse et baise avec encore plus de rage après cet intermède qui a glacé les sangs, Manu a retrouvé sa tenue et monte sur scène. Le public devient complètement dingue, l’accla­mant à tout rompre. Celui-ci se dirige vers le micro, sous les sourires ébahis de ses amis sur scène, qui ne cachent pas le soulagement qu’ils ont de le retrouver dans le même état qu’en partant... et dans la même silhouette qu’ils ont toujours connue.
— J’ai soif ! hurle-t-il dans le micro avant de lancer un riff qui annonce le retour du pogo.
Après les caresses et les coups de reins contre reins, les coups de latte recommencent à pleuvoir. Julie se met à hurler derrière ses cymbales qu’elle maltraite avec joie. Les baiseurs sur scène se jettent dans la mêlée en riant comme des damnés, et ils sont loin d’être les plus manchots, hommes comme femmes.
Pendant un solo qui semble sans fin du vampire, une jeune demoiselle arrive par le côté de la scène. Les cheveux blonds en bataille, un cocard sur chaque œil et de nombreuses tuméfactions sur la peau, ainsi qu’un filet de sang coulant du coin de sa bouche, elle porte une pinte de cognac au vampire dans son plus simple appareil. Celui-ci s’arrête net, se moquant totalement de la musique, à cette vue. Il la prend dans un bras, la serrant contre lui, et prend la pinte de l’autre main. Alors qu’il descend une bonne moitié du breuvage en une seule gorgée, la fille défait la sangle de sa guitare qui tombe au sol avec un larsen de tous les diables. Sans perdre un instant, elle plonge sa main dans le pantalon de Manu, qui lui sourit de toutes ses dents. Il lit dans son regard qu’elle sait qu’elle va mourir... et que ça l’excite. Elle ouvre son pantalon et en sort sa queue qu’elle se met à masser avec ferveur, alors que le vampire lui lèche le sang séché sur le menton.
Comme si elle ne pesait pas plus qu’une plume, il l’attrape par les hanches et la soulève au-dessus de sa tête, face au public, tel un trophée. Alors que dans la mêlée se lèvent des acclamations pour la fille qui s’est dévouée, Manu lui fourre sa langue dans la rondelle déjà bien dilatée, la faisant dégouliner de cyprine et crier de plaisir en se massant les seins pourtant douloureux devant l’assistance. Elle ne tarde pas à jouir, une de ses mains descendue sur son clito qu’elle branle de toutes ses forces, pendant que la langue du vampire la baise par derrière. Son jet de cyprine, impressionnant, arrose le premier rang du public, qui hurle son plaisir.
À peine a-t-elle relevé la tête, le regard lointain, que Manu la laisse tomber le long de son ventre, pour qu’elle vienne s’empaler sauvagement et douloureusement sur son sexe durci. Un cri sauvage sort de la femme, mêlé de douleur et de plaisir. Les coups de reins que ne tarde pas Manu de lui asséner la projettent instantanément dans un autre monde. Déjà bien loin de celui des vivants, le vagin dilaté comme jamais, elle sent les canines du vampire percer la peau de son cou. Un dernier jet surgit de leurs sexes emboîtés. Une dernière jouissance. La meilleure. L’ultime. Et son corps sans vie, où se lit un sourire désormais éternel, tombe aux pieds du vampire qui dévoile une face sauvage, lèvres retroussées, sifflant vers la mêlée à ses pieds, pour les exciter encore.
Refermant son pantalon et rattachant sa guitare à son épaule, Manu, un large sourire aux lèvres, se dit que la soirée est presque parfaite. Il scrute le public, se promet­tant que pas un seul ne partira d’ici, ses amis compris. Sa victoire sur Amon, la nouvelle d’Haella vivante. Sa soif de sang semble proportionnelle à la joie qu’il ressent en ce moment. Il se remet à gratter ses cordes avec rage, haranguant le public de plus belle qui ne semble plus vraiment en mesure de suivre la cadence, pour la plupart. Ces humains... si faibles, si peu endurants...
Diminuant donc la rythmique, reprenant le chant, le vampire offre un moment de répit au public. Il voit Lou aux prises avec un petit groupe, près de la sortie, tentant de les empêcher de partir. D’abord, c’est son corps qu’elle met en avant. Sa peau rayée de traces blanchâtres reluit de sueur. Que ce soit les trois gars, ou la femme qui est avec eux, elle les attise, les tâtant autant qu’elle les incite à la tâter. Si le stratagème semble marcher un moment, le groupe se reprend et avance à petits pas vers la sortie. Ce sont alors les poings qui parlent. Et à ce jeu-là, elle n’est pas la plus faible. Habituée, elle commence par allonger d’un simple coup la blonde qui ne fait pas un pli. Et lorsque les trois autres, réalisant qu’elle l’a envoyée dans les vapes aussi facilement, s’apprêtent à se jeter sur elle pour lui faire sa fête, ils reculent soudainement. Leurs regards sont fixés sur l’extérieur, derrière la porte défoncée du bar. Leurs visages trahissent une terreur sans nom.
Sans que rien ne bouge, les trois gars volent dans le fond du bar, expulsés contre le mur. L’instant d’après, elle fait ses premiers pas en public, depuis plusieurs décennies. Magistrale. Manu entame un solo qui annonce l’arrivée de son âme-sœur. Ses cheveux noirs qui tombent sur ses épaules fines et pourtant si puissantes, ses lèvres généreuses et rougissantes, son regard profond et électrisant, elle se tient bien droite, face à la scène, face à son vampire. La poitrine comprimée dans une robe rouge vif, pleine de dentelles, laissant deviner chacune de ses formes sans rien en montrer, elle sourit en coin en regardant Manu se démener sur sa guitare pour elle. Le vampire la reconnaît, cette robe. C’était la même qu’elle portait lors de leur première rencontre, il y a maintenant plus de 300 ans. C’est ce soir-là qu’il l’avait sauvée des flammes et fait d’elle une vampire, alors que des centaines d’hommes s’apprêtaient à la brûler vive pour sorcellerie.
Malgré la musique qui bat son plein, il n’y a plus un mouvement dans la salle. Tous les regards font des va et vient entre les deux vampires. Et tous s’écartent pour la laisser passer, lorsqu’Haella se dirige vers la scène, son regard sombre plongé dans celui du guitariste. Sans même lever un pied, la magnifique vampire atterrit sur scène. Les yeux de Manu brillent de mille feux, à nouveau, et Haella semble y nager dans le bonheur. Bientôt, ils se font face, leurs corps se frôlant. Les doigts du vampire continuent de courir sur le manche de la guitare à une vitesse folle que les autres ont bien du mal à suivre, s’obligeant à ne marquer qu’un temps sur deux, pour ne pas faiblir. Mais le vampire n’y pense même pas. Leurs visages se frôlent, alors qu’ils se reniflent l’un l’autre, retenant leur envie de se jeter l’un sur l’autre. Le bar se remplit d’électricité, hérissant les poils des humains qui les observent.
Lorsqu’enfin, semblant s’être reconnus pour de bon, leurs bouches se collent l’une à l’autre dans un baiser sensuel où les langues dansent ensemble, il n’y a plus que Julie qui a tenu le rythme de Manu. Quand il lâche sa guitare des mains, elle hurle de joie. La salle entière la suit à gorge déployée dans une liesse collective dont la plupart ne connaissent l’origine, alors que le reste du groupe éclate de rire : Julie n’a pas vu le baiser des vampires... elle a juste crié de joie d’avoir réussi à suivre Manu jusqu’au bout !
Dans une liesse hystérique, les vampires s’évaporent à la vue des humains, pour réapparaître dans l’arrière-salle où les goules font ce qu’elles font de mieux : faire souffrir un homme. Haella se serre encore plus fort contre Manu, à la vue d’abord de celle qui était le fruit de son fruit, la sorcière, devenue vampire à son tour, puis d’Amon, bien que sa taille ait déjà réduit légèrement sous l’effet de l’appétit des goules.
Manu s’approche du cadavre pourtant encore en vie et les goules reculent. Il attrape l’homme par les cheveux et le soulève pour le montrer à Haella. Amon n’est plus qu’une masse sanguinolente, ses pieds et ses mains ont été grignotés, et grâce à la vertu de la salive des goules, ses plaies sont cicatrisées, de façon à ce qu’il ne se vide pas de son sang. Mais les blessures internes restent, et chaque respiration, bien que faible, fait gonfler une petite bulle de sang, qui éclate en centaines de petites gouttes.
Haella sourit en coin. Elle ne cache pas son excitation, autant devant l’état d’Amon – qui, n’ayant plus non plus de paupière ne peut que la regarder se délecter du résultat – que de celui de son vampire. Majestueux, som­bre, un sourire infernal aux lèvres, les yeux toujours aussi brillants, il avait changé... mais en plus maléfique, en plus puissant... en plus excitant. Manu renifle l’air et sourit de plus belle :
— Tu n’as pas changé, mon amour...
Traînant Amon, il vient le déposer aux pieds d’Haella, plaquant une main ferme sur l’entre-jambe de celle-ci qui frémit de tout son corps à ce contact.
— La vue du sang te fait toujours autant d’effet... lui souffle-t-il.
— Surtout quand c’est toi qui le fait couler...
Et au-dessus du regard d’Amon, les deux vampires s’embrassent sauvagement, leurs visages s’entrechoquent, leurs mains se mettent à courir sur le corps de l’autre, cherchant le moindre bout de peau. Leurs souffles s’accélèrent, alors que l’air s’électrise autour d’eux. Et sans même quitter les lèvres de sa vampire, Manu arrache la robe d’Haella d’une main, qui vient servir de couverture à Amon, muet mais pas aveugle.
En un rien de temps, les deux vampires se retrouvent nus au-dessus du chasseur. La queue de Manu, raide à souhait, puissante, prête à exploser, vient se lover dans la main d’Haella, qui se glisse à quatre pattes, les genoux sur le ventre mou du morceau de chair qu’est devenu Amon. Celui-ci crache un jet de sang qui éclabousse la cuisse charnue d’Haella. Mais elle ne s’en émeut pas, caressant le membre de Manu de ses deux mains, son souffle sur son gland.
— Tu m’as tant manqué, mon amour...
Sa langue se pose sur le dessous du gland du vampire, qui en soupire de bonheur. Elle l’enroule avec une sensualité qui ne laisse pas indifférentes les goules qui les regardent, et qui commencent à se caresser et s’embrasser mutuellement. Aspirant le bout de son sexe, Haella enfonce petit à petit le chibre de Manu dans sa bouche, faisant encore affluer le sang dans cette partie de son corps et palpiter ses veines pourtant déjà saillantes. Tout doucement, son visage vient s’enfoncer dans le bas-ventre du vampire, qui glisse ses mains dans ses longs cheveux noirs en râlant de plaisir.
Comme s’ils ne s’étaient jamais quittés, Manu vient frapper le fond de sa gorge avec amour. Si de l’extérieur, pour un simple humain, la violence des coups serait insupportable, Haella les reçoit avec délectation, mouillant de plus belle, sentant sa cyprine couler le long de ses cuisses pour terminer sur le corps sanguinolent du chasseur. N’ayant même pas besoin de reprendre son souffle, Manu lui baise la bouche avec force, projetant son bassin avec une rage qui n’a d’égal que l’amour qu’il lui porte. Aussi excitée que lui, elle le tient fermement par les fesses, gardant son sexe bandé au fond de la gorge autant qu’elle le peut.
Puis elle le repousse violemment, l’envoyant voler contre le mur. Riant à gorge déployée, son regard tombe sur le chasseur :
— Toi, je t’ai assez vu...
Elle plonge son visage dans ce qui fut, il y a encore quelques heures, une cuisse musclée et puissante. La seconde d’après, Amon est délivré de son supplice et elle relève la tête, le visage remplit de sang coagulé, jusque dans ses cheveux, les lèvres retroussées, toutes canines dehors, vers Manu en sifflant :
— Je t’aime, mon amour...
Celui-ci se rue sur elle, décollant les pieds du sol pour la prendre dans ses bras et la plaquer, debout, contre le mur opposé. Sa langue parcourt son visage, se délectant du sang du chasseur qu’il a abattu pour elle. D’un simple mouvement de reins, Haella s’empale sur le sexe de Manu, décollant à son tour du sol sans même devoir être portée. Ils restent un instant se regarder l’un l’autre, comme si, une fois leurs corps mêlés, c’était leurs âmes qu’ils mêlaient à présent.
Elle descend une main concupiscente au bas de son ventre et commence à branler son clitoris désormais bandé comme rarement, tout en ondulant dans les airs, caressant de ses chairs dégoulinantes un chibre dur comme la pierre, et brûlant comme l’enfer. Ses premiers gémissements résonnent dans la pièce, alors que les goules se sont jetées définitivement sur les restes du chasseur, sans pour autant avoir stoppé leurs ébats. Une odeur d’abattoir se mêle à celle du sexe, alors que la musique bat son plein dans les enceintes, comme si elle était calée sur les sons de plaisir des vampires.
Manu se mêle aux mouvements d’Haella. Leur ébat gagne en puissance alors qu’il ne reste déjà plus rien d’Amon. Les goules quittent la pièce pour aller se mêler à nouveau aux humains, en compagnie de la nouvelle vam­pire, leurs peaux blanches sanguinolentes. D’un simple coup d’œil vers la salle, Manu bloque toutes les sorties. La porte du bar reprend sa place sur ses gonds, chaque fenêtre et chaque porte de secours devient inutilisable. Et si quelques uns se demandent bien ce qu’il peut se passer, la plupart n’ont d’yeux que pour les ébats sur scène, qui ont repris de plus belle. Les hommes baisent tous les orifices des femmes, invitent certains à se joindre à eux, attrapent d’autres femmes jalouses de leur sort pour les défoncer à leur tour. La scène se remplit de foutre et de cyprine, mais les musiciens restent imperturbables, malgré les érections évidentes des hommes.
Seuls dans l’arrière-salle, Manu et Haella se livrent à une véritable lutte. Leurs corps se percutent avec une puissance inouïe. Chaque coup de reins asséné fait gicler le vagin d’Haella, qui hurle à présent d’un plaisir intense qui se transmet dans l’ensemble du bâtiment. La tirant par les cheveux, Manu l’oblige à se cambrer de façon obscène sur son membre, qui tabasse littéralement l’utérus de la vampire. La tête dans ses seins opulents, il râle avec elle, léchant et mordant jusqu’au sang. Chaque goutte qu’il reçoit semble lui redonner force et vigueur, défonçant sans pitié le sexe de son amour qui semble jouir continuel­lement depuis de nombreuses minutes maintenant.
À leurs pieds, c’est une véritable mare de cyprine qu’a déversée Haella. Les petites morsures de Manu, comme au bon vieux temps, la projettent à mille lieues du bar, dans un monde qui pourtant semble interdit aux vampires. Car il est presque impossible pour un vampire de prendre ce plaisir avec des humains. Il n’y a bien qu’entre eux qu’ils peuvent espérer l’atteindre, mais les relations entre vampires sont extrêmement rarement de ce genre, préférant la lutte à la baise, même si celle à laquelle ils se livrent est très ressemblante à un combat.
Attrapant son vampire à son tour par les cheveux, Haella lui relève la tête de ses seins, continuant à pousser son bassin violemment vers la garde de sa queue. Puis elle le repousse avec force. Elle semble un peu surprise quand Manu ne fait que reculer d’un pas ou deux. Mais loin de l’apeurer, la force décuplée de son amant éternel semble l’exciter au plus haut point. Voyant qu’elle n’aura pas le dessus par ce biais, ses gestes se font sensuels, félins. Manu, haletant d’excitation, un filet de sang au coin de la lèvre, la regarde avec avidité. Elle s’approche de lui, reprenant peu à peu ses esprits. Une main se pose sur son torse puissant, le caresse. Elle descend le long de ses flans alors qu’elle commence à tourner autour de lui, son regard semblant découvrir ce corps pour la première fois. Sa main tombe sur ses fesses musclées, qui frémissent à ce contact. Jouant avec lui, elle frôle son dos de ses té­tons dardés, alors que sa main se glisse entre ses jambes, massant son périnée avec ardeur, avant d’attraper ses couilles ballantes. Se plaquant encore plus contre lui, écrasant sa poitrine dans son dos, son autre main se saisit de son membre poisseux de cyprine. Elle se met à le branler avec vigueur, malaxant ses bourses fermement, et léchant son dos, entaillant d’abord sa peau pour en faire couler une petite goutte ou deux de sang.
Une explosion des sens l’envahit. Durant une seconde, elle connaît ce que c’est d’être un vampire millénaire, et sa tête lui en tourne, tellement toutes ses sensations s’en trouvent exacerbées. Le chasseur n’avait vraiment aucune chance. Se hissant sur la pointe des pieds pour lécher son oreille, elle lui murmure :
— Je veux ton foutre sur moi... Que tu marques ton territoire... Je suis de nouveau à toi, mon amour...
Dans le bar, les goules ont commencé leur festin. Les cris de ceux qui souhaitaient s’enfuir commencent à se faire entendre. La peur. Ce sentiment si cher aux créatures de la nuit.
Souriant en coin, Manu prend une longue respiration, s’enivrant de la peur qui règne enfin dans ce lieu, comme une délicieuse épice. Les mains d’Haella quittent son membre. Il est prêt. Prêt à jouir à nouveau, prêt à la prendre à nouveau sous son aile... pour l’éternité.
Lorsqu’il se retourne vers elle, Haella est allongée et lui sourit. Deux doigts plantés dans sa chatte, elle ondule de tout son corps, comme désarticulée, tout en massant ses seins de sa main libre. Manu se penche sur elle, se retrouvant à quatre pattes. Il respire l’odeur de son sexe, de sa peau, de son sang. Il écoute son cœur qui bat, après s’être repue à son réveil, bien avant de les rejoindre dans les Monts d’Arrée. Les couilles posées sur le pubis d’Haella dont la toison forme une ligne parfaite, il plonge son regard profondément dans celui de sa vampire, la pénétrant au plus profond de son âme. Haella jouit instantané­ment, secouée de violentes compulsions, les doigts lui déchi­rant presque la chatte. En chœur, Manu déverse son foutre sur elle. Son jet est puissant, abondant, brûlant et épais. Dans un hurlement de joie, la belle vampire reçoit le sperme de son amour sur son visage, ses cheveux, sa poitrine, son ventre.
À présent penché au-dessus d’elle, Manu lui sourit, lui soufflant au visage. Les deux vampires s’embrassent à pleine bouche, et comme à son habitude, Manu ne rechigne pas à avaler un peu de sa semence dans ce baiser endiablé qui marque la fin de leurs ébats.
Puis, dans un sourire ô combien malsain, Haella susurre à son amant  :
— Allons à côté, j’ai grand soif...
— Qu’il n’en reste rien... lui répond Manu avec autant de perversion.